samedi 29 février 2020

Séquence sur le Théâtre pour l'épreuve orale et écrite de l'EAF


Séquence sur le théâtre ( du XVIIème siècle au XXIème siècle)

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro
Textes retenus pour l’explication de texte ( 1ère partie de l’épreuve orale) :
-          Acte 1 scène 1
ActeII scène 2.
 
-          Acte III, Scènes 4-5
-          Acte V, scène 3 : extrait du monologue de Figaro

Parcours associé : La Comédie du valet :
Textes retenus pour l’explication de texte ( 1ère partie de l’épreuve orale) :
-          Extrait de la scène dite du sac des Fourberies de Scapin de Molière . ( Acte III, scène 2).
-          Extrait de Dom Juan de Molière : Acte I, scène 2
Extrait des Bonnes de Jean Genet (1947)


Lecture cursive complémentaire :
-Dom Juan de Molière
-L’île des esclaves de Marivaux
-Les Bonnes de  Jean Genet
Je rappelle que pour la 2ème partie de l’épreuve orale, vous pouvez présenter l’œuvre étudiée en classe ou l’œuvre lue en lecture cursive dont vous avez gardé des traces dans votre carnet de lecture.

jeudi 27 février 2020

Une réécriture des Fourberies de Scapin en 10 pages: Le Procès de Scapin

Le Centre de théâtre francophone en Pologne Drameducation, en partenariat avec la Comédie française, a passé commande à 10 auteurs pour réécrire des pièces de Molière, selon les critères de la collection 10 sur 10, soit des pièces en 10 pages pour 10 personnages à destination des apprenants du français.

Aujourd’hui, première pièce de ce nouveau cycle : Le Procès, d’après Les Fourberies de Scapin de l’autrice canadienne Isabelle Hubert.
Sur RFI: Le Procès d'après les Fourberies de Scapin

samedi 15 février 2020

Alcools de Guillaume Apollinaire: ressources intéressantes

L'ivresse poétique: boire l'univers dans un verre de vin

Notes du cours de Jean-Michel Maulpoix

Le recueil Alcools en ligne

Devoirs pour la rentrée: mardi 3 mars

Acheter Alcools d'Apollinaire.
Le parcours associé s'intitule: Modernité poétique?

Choisissez 10 poèmes dans le recueil Alcools et créer une anthologie selon l'un des thèmes suivants: du romantisme à la modernité, la poésie amoureuse, la poésie de la ville, du voyage, la poésie qui célèbre un personnage mythologique, la poésie en lien avec la musique.
Vous proposerez une introduction générale ( présentation de l'auteur, du contexte de l'oeuvre, de sa composition)
Vous illustrerez chaque poème par un dessin, un ephoto, un tableau.
Vous direz pour chaque poème les raisons qui vous l'on fait choisir et en quoi il vous touche.
Le support de l"'anthologie peut être numérique ou papier.

Pour rattraper les résultats décevants du premier bac blanc, j'ai proposé d'en faire un second le mercredi 4 mars de 13h à 17h. toujours sur le thème du Rouge et le Noir, parcours associé le personnage de roman.

dimanche 9 février 2020

Rappel Commentaire de l'extrait de Dom Juan ( Acte I scène 2) pour le samedi 15 février

Je rappelle que vous devez me rendre un commentaire littéraire de l'extrait du Dom Juan de Molière que je vous ai distribué en classe il y a quinze jours.
Si vous n'avez pas le texte distribué, la scène se trouve
L'extrait à commenter commence à Sganarelle -Vertu de ma vie, comme vous débitez; (...) jusqu'à Don Juan -Paix!

Pour les absents samedi, le commentaire est à m'envoyer sur lavoixduplateau@gmail.com.
Si je ne l'ai pas, je mettrai un zéro!

Les Fourberies de Scapin: la fameuse scène du sac

Samedi nous avons fini l'explication linéaire de la scène dite du sac ( Acte III, scène 2). j'ai distribué une explication rédigée et montrer trois mises en scènes différentes de cette scène.

En complément:  interview d u metteur en scène Jean -Louis Benoit Scapin est joué par l'acteur Philippe Torreton.

Extrait de la répétition de la scène du sac dans une mise en scène de Jean-Pierre Vincent : Daniel Auteuil dans le rôle de Scapin.

Remarques sur les trois extraits vus en cours:


La célèbre scène « du sac » (acte III, scène 2) est le passage attendu entre tous dans Les Fourberies de Scapin, celui qui conduit à la fois à l’apothéose du fourbe-comédien et à sa chute. Elle réclame une exceptionnelle virtuosité vocale (Scapin interprète simultanément une demi-douzaine de soldats) et une énergie physique considérable. Elle invite à une analyse du jeu d’acteur et donne l’occasion de voir qu’il y a mille façons de donner des coups de bâtons, comme il y a mille façons de les recevoir…

Les trois scénographies ( décor) ont en commun de représenter un espace portuaire, tantôt sur un mode réaliste (pavés, parapet, mâts et voilures chez Vernier), tantôt de manière stylisée (un cyclorama pour le ciel, un horizon sombre pour la mer et un sol de planches pour Valantin et Benoît).

La mise en scène de Benoît opère une modification importante par rapport au reste de la pièce   : pour la scène du sac, un grand rideau rouge ouvert à l’italienne vient encadrer l’image.

Comment interprétez-vous le choix scénographique de Jean-Louis Benoît ?
Le rideau à l’italienne qui s’ouvre en début de scène souligne, par sa manière de mettre en abyme la forme théâtrale, le statut de comédien de Scapin : le valet y incarne plusieurs personnages à lui tout seul et fait montre d’un remarquable talent de dramaturge pour bâtir ses intrigues.
La présence du rideau rouge est aussi une manière de mettre en évidence le caractère attendu de cette célèbre scène.

Repérer les éléments de costumes qui renvoient au XVIIe siècle : pour Scapin, l’habit rayé reprenant le costume traditionnel de la commedia dell’arte (Vernier), la rhingrave (culotte bouffante) et l’ample chemise de coton (Benoît), la livrée bicolore à col plissé (Kerchbron) ; pour Géronte, le plus souvent un sévère habit noir à col blanc ou un habit de voyage marron en velours épais (Benoît).
Cet ancrage temporel connaît une entorse majeure dans la mise en scène d’Émilie Valantin ( Marionnettiste) : si l’habit à galons que portent les deux personnages s’inscrit bien dans une esthétique d’Ancien Régime, Scapin finit par ôter le sien pour apparaître en chemise noire tout à fait contemporaine et en jean avec inscrit au dos de la chemise Fourbe.

Quel est, selon vous, le sens de la proposition de costume d’Émilie Valantin ?
Mentionner la rupture temporelle provoquée par le changement de costume (habit « d’époque » vs vêtements contemporains) et le jeu avec les conventions établies par la mise en scène depuis le début du spectacle (les vêtements du marionnettiste prennent le pas sur le costume du personnage). S’interroger sur la double signification du mot « manipuler » et sur le fait que l’inscription située dans le dos du marionnettiste jette le trouble sur l’identité de cet homme qui donne à voir simultanément son statut de personnage et de comédien-marionnettiste.
Valantin imagine aussi de faire de sa veste le fameux sac de Scapin : faut-il y voir une allusion au célèbre vers de Boileau (« Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe ») qui suggère que Molière, lorsqu’il jouait le rôle de Scapin, portait un grand manteau servant de sac ?


Mesurer la manière dont les mises en scène motivent (ou non) la présence du sac. Dans certains cas, il se trouve placé sur un côté du plateau et Scapin s’en empare lorsqu’il en a besoin sans que sa présence soit expliquée (Vernier, Échantillon, Kerchbron). Cette apparition du sac est alors rendue la plus discrète possible. Chez Benoît, au contraire, l’arrivée du sac est solennisée : il est placé au centre du plateau et le rideau s’ouvre sur lui, comme sur le comédien vedette ( Philippe Torreton) au seuil de sa grande scène. 
Valantin propose une variation sur le motif de l’apparition naturelle : loin d’escamoter l’arrivée du sac, elle en explique l’apparition par la transformation de l’habit de Scapin ; c’est en retournant sa veste – au sens propre – qu’il confectionne son sac.

Décrivez le jeu de Géronte enfermé dans son sac (position, mouvements, déplacements, bruits).
Quelles mises en scène se distinguent des autres ?
Mesurer l’inventivité des comédiens confrontés à une contrainte majeure : jouer en étant caché. Si le Géronte de Valantin demeure immobile (il s’agit d’une marionnette), les autres tremblent, poussent des cris ou rampent sur le sol pour tenter de s’enfuir.
  le Géronte de Kerchbron  a le plus grand mal à rentrer dans le sac lors du deuxième assaut (il n’y met que la tête), ou celle d’Échantillon dans laquelle on voit Géronte debout, les deux jambes dépassant du sac troué.

Décrivez la manière dont Scapin traite Géronte enfermé dans le sac : comment joue-t-il concrètement avec lui (déplacement, rythme, intensité des coups) ?

Relever d’abord les gestes communs aux différentes versions : Scapin s’assoit sur le sac (Vernier, Kerchbron, Échantillon), y pose le pied ou l’escalade (Benoît, Vernier) et a des gestes méprisants (il s’y allonge, le transporte ou le fait tomber).

Observer ensuite les propositions plus singulières, notamment celles qui jouent avec un imaginaire équestre : chez Vernier, Scapin chevauche le sac comme un destrier ; chez Échantillon, il l’affuble d’un masque de cheval et l’oblige à faire des tours de piste comme pour le dresser. Dans deux mises en scène, Scapin se livre à une sorte de spectacle ou de cérémonie : il frappe Géronte en rythme pour le faire crier en cadence (Vernier), il danse autour du sac puis fait tourner en rond Géronte en lui tenant la tête (Kerchbron). D’un Scapin à l’autre, la violence des coups apparaît très variable, depuis les légers coups de badine (Vernier) jusqu’aux violents coups de gourdins rendus possibles par le fait que Géronte soit une marionnette (Valantin), par l’épaisseur du sac (Benoît) ou par le fait que le comédien, grâce à un habile tour de passe-passe, ne soit plus dans le sac (Podalydès).

Scapin ne (mal)traite pas Géronte tout à fait de la même manière d’une mise en scène à l’autre.
Quel aspect du personnage est mis en valeur par chaque proposition ?
La didascalie de Molière indique que Scapin « donne plusieurs coups de bâton sur le sac » : les cinq mises en scène enseignent qu’il existe de nombreuses manières de donner des coups de bâton et chacune dit quelque chose du personnage qui les donne (et peut-être des raisons pour lesquelles il les donne). Chez Vernier et Kerchbron, Scapin manifeste une forme de légèreté et d’irrévérence. Dans la mise en scène circassienne d’Échantillon, il s’agit surtout pour Scapin d’affirmer sa supériorité sur Géronte, de le dominer plus que de le maltraiter. Pour le Scapin de Valantin, Benoît et Podalydès, le but est indéniablement de faire mal.
 Le Scapin de Benoît déploie une considérable énergie physique, celui de Podalydès peut frapper sans retenue grâce à l’ingénieux dispositif scénographique (trappe qui permet au comédien incarnant Géronte de sortir du sac sans être vu et d’y rentrer couvert de sang). Cette violence traduit-elle le désir de se venger des humiliations ? La rage de celui qui a souvent été lui-même battu ?


Réfléchir au "réalisme" de Stendhal: s'armer pour réussir une dissertation


Chaque fois qu’il parle du roman, Stendhal adopte une définition constante de 1827 à 1840 : « le roman miroir », « le roman comme un miroir que l’on promène le long d’un chemin ».

La métaphore du miroir
La métaphore est au cœur du roman Le Rouge et le Noir. Elle y paraît trois fois.
1- Épigraphe du chapitre 1.13
« Un roman c’est un miroir qu’on promène le long d’un chemin ».
L’épigraphe est attribuée à Saint-Réal, mais épigraphe apocryphe que Stendhal invente pour les besoins de la cause. Pourquoi diable aller chercher Saint-Réal ? Une idée traverse l’esprit ; Saint-Réal / Saint-réel – placer le roman sous le signe du réel. Cela constitue une lecture possible.
Reste que Saint-Réal est un historien du XVIIe : « Faire d’un historien le porte-parole, porte-voix de la définition du roman, c’est aussi un geste signifiant. Le romancier adopte comme figure de projection, non pas le fabuliste, non pas le dramaturge ou le romancier justement, mais un historien. Je me fais historien du présent. »
2- 2.19
Il s’agit de la version la plus étoffée.
Le lecteur assiste alors à une discussion entre l’auteur et son éditeur :
« Et monsieur, un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d’être immoral ? Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ? Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former. »
Avec cette métaphore du miroir, on dérive immédiatement vers la question politique. De ce qui est représenté, on passe sur le champ à l’ « inspecteur des routes » qui laisse l’eau croupir, au responsable de la situation, à l’état politique qui crée cette situation.
3- Épisode de la note secrète 2.22
L’éditeur du roman répond à l’auteur qui lui explique vouloir ne pas parler de politique dans son ouvrage.
« Si vos personnages ne parlent pas politique, ce ne sont plus des français de 1830 et votre livre n’est plus un miroir comme vous en avez la prétention. »

(...)

L’ambition sociologique du Rouge et le Noir
Qu’implique l’esthétique du miroir ?
La métaphore du miroir a été étudiée par Georges Blin dans Stendhal et les problèmes du roman (1959) et ce dernier a contribué à établir la notion d’"esthétique du miroir".
Cette esthétique du miroir dont on peut parler pour le roman stendhalien implique deux choses essentielles.

1er élément - La définition du roman comme chronique
Reprenons les sous-titres choisis par Stendhal pour ses romans.
Le Rouge et le Noir se voit adjoindre un double sous-titre : Chronique de 1830, Chronique du XIXe siècle.
On peut du reste s’interroger sur la raison d’être de ce double sous-titre qui dit la même chose. Qu’est-ce que 1830 au regard du XIXe ?
Une chose certaine, montrer le monde contemporain, les mœurs du temps, les mœurs de 1830, pour Stendhal, c’est « en faire la chronique ».
Pour Armance, 1827, le sous-titre est : Quelques scènes d’un salon de Paris en 1827. C’est une manière de dater et de localiser le roman.
Pour Lucien Leuwen, on aura Chroniques des premières années de la Monarchie de Juillet et pour Lamiel, Chronique du tournant de 1840. Notons également qu’un des titres envisagés pour ce roman était Les français du King Philippe.
Toutes les définitions du roman élaborées par Stendhal vont dans ce sens. On en voudra pour preuve, pour ne prendre qu’un exemple, la première préface à Lucien Leuwen, dans laquelle Stendhal donne pour but au roman de « peindre les habitudes de la société actuelle ».
Il est sur ce sujet un texte important, malheureusement pas donné dans les éditions scolaires, le projet d’article sur Le Rouge et le Noir proposé par Stendhal à un ami italien qui lui avait fait demande d’un canevas. On sait en effet que Stendhal était adepte du "On n’est jamais si bien servi que par soi-même" en la matière. Dans ce projet d’un article qui ne verra du reste jamais le jour, Stendhal commente donc Le Rouge et le Noir ; ce regard porté par le romancier sur son propre roman est de première importance.
Stendhal y commence par une longue partie d’analyse sociologique de la France en 1829 ; tel est ce qu’il faut selon Stendhal pour rentrer dans Le Rouge et le Noir. Son propos a été de faire « le portrait de la société de 1829 » selon la formule de Stendhal lui-même. Il entend peindre les mœurs nouvelles « que le gouvernement de Louis XVIII et de Charles X [9] a donné à la France » ; « Ces mœurs si peu aimables », continue-t-il plus loin, « cette France grave, morose, que nous on léguée les Jésuites, la Congrégation et le gouvernement des Bourbons, de 1814 à 1830 ». Voilà ce qui fait l’essentiel de la Restauration aux yeux de Stendhal.

2ème élément – L’idée de neutralité
La deuxième notion impliquée par l’esthétique du miroir est l’idée d’impartialité, de neutralité du roman et du romancier. Stendhal insiste sur ce point à plusieurs reprises ; il dit en substance qu’un miroir n’a pas de parti, il ne fait que refléter ce qu’il a devant lui. Il reflète sans choisir, sans tri sélectif.
Là est le risque de dépolitisation du roman, préparé par Stendhal lui-même. L’esthétique du miroir est pensée comme un objectivisme qui donnerait au romancier un rôle passif, celui qui enregistre sans interpréter. Dans l’Avant-Propos d’Armance, on trouve cette formule de Stendhal : « De quel parti est un miroir ? » ; d’aucun, donc. Le miroir reflète de façon neutre ce qu’il a sous les yeux.
Pour Xavier Bourdenet, il est essentiel de nuancer.

Une neutralité à nuancer
Il s’agit de fortement nuancer l’idée de l’ambition enregistreuse du miroir, l’idée d’une ambition de neutralité qui fonderait l’ambition sociologique du roman.

La matière du Rouge et Noir
En gardant cela à l’esprit pour l’appliquer au Rouge et Noir, il est intéressant de se reporter à l’entrée des matières. Cette dernière traduit en effet la visée sociologique du roman. Reconstituer la logique des titres nous permet de comprendre ce que sont pour le romancier lui-même les matières du Rouge et le Noir, le matériau du Rouge. Cela constitue une entrée dans le roman pertinente et certainement efficace avec les élèves.
https://lettres.ac-versailles.fr/local/cache-vignettes/L52xH52/pdf-39070.png?1576759325
« Le Rouge et le Noir » - Table des matières
  • Un projet sociologique, une nouveauté
    Si l’on prend en considération les titres du début,
« Une petit ville », « Un maire », « Le bien des pauvres », « Un père et un fils », « Négociation », « L’ennui », « Des affinités électives », « Petits événements », « Les plaisirs de la campagne », « Façon d’agir en 1830 », « Chagrin des grandes places », « Une capitale », « Le séminaire », « Le monde »
fonde en 1830 la nouveauté du Rouge et le Noir le projet sociologique qui sous-tend le roman.
Stendhal a fait le choix de titres brefs, nominaux, qui posent un ensemble de réalités, de motifs : une petite ville, un maire, un père et un fils. Cela correspond à un projet cognitif nouveau ; le roman semble progresser par petites vignettes pour rendre compte de la France contemporaine. Le roman se donne à lire, au moins en son début, comme une série de scènes de genre : un père et un fils, une soirée à la campagne.
  • Une typologie à petites touches
    Par petites touches, les titres suggèrent comme une typologie analytique de la France de 1830.
    Les titres ont une forte valeur de typisation. Si on regarde les titres concernant les personnages de la fiction, il apparaît qu’ils sont systématiquement anonymisés. Les personnages sont ainsi ramenés à un type, à la fonction qui les identifie : Un maire / Monsieur de Rénal, Le premier adjoint / Monsieur Valenod, Chagrin d’un fonctionnaire / M. de Rénal. Un roi à Verrières – sans que jamais, ni dans le titre ni dans le chapitre, le roi soit identifié. La classe générique s’impose et l’individualité des personnages s’abolit.
    De la même manière, on a Un père et un fils, là où l’on pourrait avoir Sorel, père et fils, ou encore Un ambitieux pour Julien, Une grande dame dévote pour la Marquise de la Mole, Un homme puissant, l’abbé de Besançon.
  • L’onomastique fictionnelle des personnages est gommée par la table des matières ; l’anonymat vise à établir des types plus que des individualités.
  • Une socialité peu réjouissante
    À cette peinture à petites touches, s’ajoute une socialité très prégnante et peu réjouissante. Les titres laissent transparaître un univers de pouvoir fait de rapports de force. Ils traduisent la pesanteur d’un système social et familial fortement hiérarchisé.
    Au fil des titres, on croise un premier adjoint, un roi, un maire, désigné comme étant un fonctionnaire ; se donne à voir une socialité où un fils dépend de son père. La communication avec autrui se fait sur le mode d’une relation hiérarchisée Dialogue avec un maître (1-21), d’un rapport de force qui confine à la violence Lettres anonymes (1-20) ; le réel fait l’objet d’Une négociation.
    Tel est l’univers posé dans la première partie.
    La deuxième partie du roman ne fait que confirmer des rapports interpersonnels sur le mode de perpétuels rapports de force en posant L’empire d’une jeune fille (2-11) qui enjoint à Un tigre (2.32) de Lui faire peur (2.31) en supposant Un complot (2.13) [Et Est-ce un complot ? (2.15)] ; un monde où la faiblesse est un enfer, L’enfer de la faiblesse (2.33), un monde où Un homme puissant (2.38) est placé Au cœur de l’intrigue (2.39).
    La socialité est marquée au coin de la violence et d’une constante hiérarchisation des rapports interpersonnels.
    Cette question de la hiérarchisation est modulée dans la deuxième partie (Cf. les titres de la deuxième partie) par la thématique de la distinction qui prend tout son sens dans ce système au sein duquel se pose une question : Quelle est la décoration qui distingue ? (2.8). C’est un univers où compte La manière de prononcer (2.6), où l’on va trouver – et c’est un devoir- sa loge Aux bouffes (2.30) ; on y croise Deux grandes dames (2.5) qui aident à envisager Les plus belles places de l’église (2.27).
Pour quelle neutralité ?
  • "Façon d’agir en 1830"
    En deux pages et 75 titres se déploie une socialité parfaitement datée et circonstanciée qui rend compte des Façon(s) d’agir en 1830 (1.22). Ce monde de 1830 se caractérise par une structure sociale étouffante, visiblement bloquée, qui laisse peu de place à l’individu. On doit occuper une place, on peut y être maire, premier adjoint, fonctionnaire ; mais pour un individu en propre, c’est plus difficile.
    On oscille, dans le roman stendhalien, entre description « réaliste » - soit pour être exact la manière dont Stendhal voit la société de 1830, une vision singulièrement noire – ET clichés romanesques qui ont la vie dure. Nous renvoyons pour exemple au titre du chapitre 2.35 : Un orage.
  • Un romanesque historicisé
    À consulter la table des titres, il est évident que le malheur, la souffrance, les orages sont un matériau romanesque, depuis longtemps ; plus que le bonheur sans tâche. Dans cette table des matières se joue un glissement entre prise en charge de l’histoire et du contemporain et un romanesque qui réactive des topoi très anciens. L’effet de conjonction des deux induit que le romanesque traditionnel se trouve, dans ce contexte-là, parfaitement historicisé. Travailler sur la table des titres permet ainsi d’entrer dans la nouveauté du Rouge et le Noir, la teneur sociologique du roman, ce sur quoi Stendhal insiste dans son canevas d’article.
  • La politique, fatalité du siècle
    Mais le miroir n’est pas aussi neutre que Stendhal veut bien le dire. La raison tient au projet de la peinture du monde contemporain de 1830. Stendhal ne cesse de répéter que la politique est devenue une donnée prioritaire des habitudes morales de 1830. On ne peut échapper à la politique ; le roman non plus donc. Telle est l’idée récurrente, basse continue de l’œuvre de Stendhal, la politique est la plaie moderne qui affecte tous les sujets. C’est le sens-même du chapitre 2.1 qui ouvre la deuxième partie Les Plaisirs de campagne. Il montre qu’il est devenu impossible d’échapper à la politique, nouvelle fatalité du monde moderne, fatalité du siècle. Dans ce chapitre, Julien prend une malle-poste pour se rendre à Paris et il y surprend la conversation de deux amis. L’un deux, Saint-Giraud, explique qu’il a voulu se retirer à la campagne, pour raisons politiques, pour échapper à la politique, aux tracasseries. Et il se voit obligé de fuir la campagne pour des raisons politiques : il a refusé sa voix à un candidat qu’il sait malhonnête et incompétent. Et depuis, sa vie est devenue un enfer.
« Je ne voulais de ma vie entendre parler de politique. Et la politique me chasse. »
La politique est pour Stendhal la nouvelle fatalité moderne, donc. Notons dans l’explication de Saint-Giraud la référence faite à la tragédie, précisément à la Phèdre de Racine : « Mon mal vient de plus loin ». Historiquement et littérairement, la campagne est le lieu de l’otium où l’on se retire pour être à soi, coupé du negotium. Or, la campagne - celle du Rouge et le Noir à tout le moins - est devenue l’exact contraire ; elle est aussi marquée que la ville par la politique. Cela justifie la conclusion du chapitre ; il n’y a plus de lieu qui serait un hors lieu du politique.
De même, dans la première partie du Rouge, Vergy - le jardin de Vergy - participe de la campagne, mais c’est aussi l’espace de monsieur le maire, un espace que ce dernier s’approprie et fait construire en chassant les petites paysannes qui passent à coup de pierre.
Le romancier déplore le fait mais ne peut l’éviter. Rappelons ici ce propos de l’éditeur évoqué précédemment : « Mais si vos personnages ne parlent pas politique, ce ne sont plus des français de 1830. » (à suivre)


extrait d'un article publié sur le site de l'académie de Versailles:  https://lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article1537