samedi 30 novembre 2019

En quoi le Rouge et le Noir est-il un roman d'apprentissage? Pistes de correction

Pour améliorer vos dissertations vous pouvez utiliser ce document:


 En quoi le Rouge et le Noir est-il un roman d’apprentissage ?
L’apprentissage de Julien

1.       Julien, un personnage en évolution.
 Au début adolescent 18-19 ans, en paraît 16 à Mme de Rênal, qui le confond parfois avec ses propres enfants dont il a l’ignorance et la naïveté car il ne connait pas les codes de la bonne société cf I, 17 : » elle se permettait avec lui les mêmes gestes intimes qu’avec ses enfants. C’est qu’il y avait des jours où elle avait l’illusion de l’aimer comme son enfant. Sans cesse n’avait-elle pas à répondre à ses questions naïves sur mille choses simples qu’un enfant bien né , n’ignore pas à quinze ans ? »
Lorsqu’il arrive à l’Hôtel de la Môle et qu’il reste ébahi au milieu de la cour, l’abbé Pirard est encore obligé de le tancer : II,2
«  Ayez donc l’air raisonnable, dit l’abbé Pirard ; il vous vient des idées horribles, et puis vous n’êtes qu’un enfant ! où est le nil mirari ( Ne rien admirer) d’Horace ? »
Durant son apprentissage, cet « enfant » qui a renié son père naturel est aidé par des modèles – Napoléon, Danton- et des guides qui se relaient d’abord le vieux chirurgien major qui lui a légué le mémorial de saint Hélène, ensuite l’abbé Chelan qui lui a appris le latin et la Bible, Mde la Môle qui sans le connaître pour faire plaisir à l’abbé Pirard lui envoie 500 francs et bien plus tard l’embauche et le nommera M ; de la Vernaye, le dote d’une terre et d’une rente , le fait entrer dans sa famille.
Cf élan du cœur de Julien II,1 : « J’ai été haï par mon père, depuis le berceau, c’était un de mes grands malheurs ; mais je ne me plaindrai plus du hasard, j’ai retrouvé un père en vous, monsieur. »

2.       Julien d’une épreuve à l’autre : un parcours ponctué d’obstacles : vie qui est une épreuve perpétuelle, mot en italique : prendre la main de Mme Rênal, lui voler une première nuit d’amour, monter à une échelle pour atteindre la chambre de Mathilde. Question du courage dont Julien doit faire preuve maintes fois et de son comportement parfois téméraire.
Ultime épreuve celle de l’échafaud, de la condamnation à mort.
Passe beaucoup de seuils durant sa vie au sens propre comme au sens figuré/ extrait à citer : « - Serais-je un lâche ! se dit-il, aux armes !
Ce mot, si souvent répété dans les récits de batailles du vieux chirurgien, était héroique pour Julien. Il se leva et marcha rapidement vers la maison de M ; de Rênal. Malgré ses belles résolutions, dès qu’il l’aperçut à vingt pas de lui, il fut saisi d’une invincible timidité. La grille de fer était ouverte, elle lui semblait magnifique, il fallait entrer là-dedans. » lieu assimilé à un gouffre ouvert
La porte des de la Môle semble tout aussi impressionnante à Julien lors de son arrivée à Paris.
Rappelons-nous qu’à l’entrée au séminaire, il s’évanouit. : il doit passer par plusieurs portes surmontées d’une croix, suit un portier comparable à un véritable cerbère et perçoit le séminaire comme une infernale prison dont il ne pourra pas sortir. En y pénétrant Julien meurt à lui-même, il doit abandonner tous ses plaisirs, celui de la chair notamment pour accéder à une nouvelle vie.
 Changement : A la fin du roman, il passe une dernière porte, celle qui mène du cachot des condamnés à la mort sans même s’en rendre compte :
« Lui qui, d’ordinaire, remarquait jusqu’aux plus petites circonstances ne s’était pas aperçu qu’on ne le faisait pas remonter à son donjon. »

Une véritable élévation : nombre de fois où il monte à une échelle, où il est amené à grimper.
Pas un hasard s’il demande à être enterré dans la « petite grotte de la montagne qui domine Verrières » : il ya été libre et heureux.
Ascension extrêmement paradoxale : c’est en tirant sur Mme de Rênal que Julien choisit la verticalité plutôt que la simple ascension : il entre dans l’église significativement au moment de « l’élévation » au moment où le prêtre, lors de la messe, élève l’hostie et le calice pour le monter aux fidèles. La vie de Julien bascule : tout ce que le jeune ambitieux avait rêvé en termes d’ascension sociale s’écroule, mais parallèlement il trouve enfin le bonheur et la liberté.
Le cachot comme lieu de liberté : prison lieu d’une purification, se dépouille de tous les masques, de toutes les entraves mondaines nécessaires au jeu social. La prison est identifiée au « ciel » : «  Laissez-moi ma vie idéale. Vos petites tracasseries, vos détails de la vie réelle, plus ou moins froissants pour moi, me tireraient du ciel. » II, 40
Lui qui croit d’abord  qu’apprendre à vivre en société consiste à apprendre l’hypocrisie, lui, qui à force d’identité empruntée ne sait plus quel est son véritable nom ( Julien Sorel/ chevalier de la Vernaye) accède enfin à la transparence et à la simplicité.
Plus question de scinder son être entre le Rouge ( la carrière militaire) et le Noir ( la carrière ecclésiastique), deux postulations antithétiques tout aussi trompeuses l’une que l’autre. Se définir dans sa singularité.
Tout au long du roman : adjectif singulier lui est accolé : personnage étrange, déplacé, inadéquat en société.
Julien peut enfin être simple avec Mme de Rênal « convenable » on s’étonne du choix de cet adjectif employé d’abord pour louer le comportement de Mme de Rênal ( noble, ferme et parfaitement convenable) et à la fin du roman : «  Tout se passa simplement, convenablement, et de sa part sans aucune affectation. »
Julien a appris à être lui-même. Lui qui se haïssait, lui qui se demandait, impuissant «  Pourquoi suis-je moi ? », lui qui se plaisait à « couvrir de ridicule cet être odieux que j’appelle moi » et prenait le masque de Danton, Don Juan, Tartuffe, peut enfin être lui-même.

Trouver son intégrité : Julien aura été à l’école de la corruption et de la mauvaise foi, mais le « crime » lui vaut rédemption. Julien l’hypocrite, le double, le multiple trouve son unité et sa vérité.
En prison au lieu de se regarder vivre et de juger incessamment son comportement et celui des autres, il s’autorise à vivre sans plus aucun calcul l’amour de Mme de Rênal et il meurt unifié malgré la décapitation !

Cours du samedi 29 novembre et travail pour le mardi 2 décembre

Déception que seulement deux groupes aient pu proposer leur émission littéraire sur les oeuvres cursives. Les autres doivent présenter quelque chose mardi.

Sentiment d'avoir perdu du temps!

Conseils par rapport à ceux qui ont présenté: Ne pas lire, vous approprier les connaissances. Bien cherher à convaincre ceux qui vous écoutent que vous connaissez l'oeuvre.
But de l'exercice: retenir suffisamment de choses pour pouvoir en parler de six mois à l'examen.

Nous avons aussi commencé à répondre aux questionnaire de préparation de la 2ème partie de l'oral du bac. Nous avons collectivement trouvé des réponses pour le Rouge et le Noir. A vous d'inscrire dans le carnet de lectures ce que vous répondriez aux questions pour l'oeuvre lue: L'Ingénu, La Vie devant soi ou Petit Pays.
Evitez des réponses naïves du type j'ai aimé ce livre car il était facile à lire. faites des réponses qui mettent vos connaissances en valeur et qui sont originales.

Ne faites pas des réponses trop courtes. développez votre propos en le justifiant , en racontant des passages du roman.

J'ai également rendu les dissertations: En quoi le Rouge et le Noir est-il un roman d'apprentissage?
J'ai photocopié la copie d'Alexandre pour que vous ayez une idée de ce qu'il était possible de faire.

mercredi 27 novembre 2019

Acquérir des connaissances sur le roman pour la dissertation

Faire une dissertation demande que l'on ait des connaissances sur le genre romanesque:
Vous trouverez tout ce qu'il faut savoir sur ce Lien: une réflexion sur la notion de personnage de roman, sur son évolution, sur le grand siècle du roman qu'est le XIXème siècle.

A potasser!

A faire pour samedi 30 novembre

Etre prêt à présenter  à la classe l'émission sur L'Ingénu, La Vie devant soi ou Petit Pays.

Rapporter la série de questions susceptibles d'être posées au bac pour pouvoir y travailler.

dimanche 24 novembre 2019

samedi 23 novembre 2019

Pour lundi 25 sans délai et dans mon casier: sondage sur les spécialités

Il me manque plusieurs talons du sondage sur l'abandon d'une spécialité à ce stade de l'année:
Ameur Ines
Binda Léa
Bogojevic Mya
Howald amélie
Luby Justine
Pernel clémence
Syda Elodie

Faites passer c'est urgent!

lundi 18 novembre 2019

Commentaire ( rencontre de Julien et mme de Rênal) proposé par Théo

J'ai pris la peine de taper le commentaire de Théo avec quelques modifications mais assez peu pour que vous ayez une idée de ce qu'il est possible de faire au niveau d'une élève.



Le Rouge et le Noir est un roman réaliste écrit par Stendhal. Il a été publié pour la première fois à Paris en novembre 1830. Il est sous-titré « Chronique du XIXème siècle » et on le qualifie souvent de roman d’apprentissage. Cette œuvre a été inspirée par un fait divers tragique, l’affaire Berthet, du nom d’un jeune homme qui avait tenté d’assassiner sa maîtresse en 1828. Le roman mélange les aventureuses amoureuses et la quête d’ascension sociale du jeune Julien Sorel. Ce fils de charpentier du Doubs ne supporte plus sa vie difficile et misérable dans la scierie paternelle. Il n’a plus de mère, se fait battre par ses frères et son père car ils détestent son goût de la lecture et sa différence. Une négociation entre son père et le Maire de Verrières, Monsieur de Rênal, va lui permettre d’échapper à son milieu : il va devenir le précepteur des enfants Rênal. Il utilisera Mme de Rênal comme un adjuvant de son ascension sociale et en tombera amoureux, mais nous n’en sommes pas là. L’extrait du chapitre VI que nous allons commenter raconte leur première rencontre à la porte de la maison Rênal. Nous pouvons nous demander en quoi cette scène de première vue annonce l’idylle amoureuse de Julien et Mme de Rênal. Dans une première partie, nous étudierons, les sentiments de la jeune femme dont le lecteur suit d’abord le point de vue, puis nous détaillerons les sentiments de Julien avant de chercher dans le texte les indices d’un coup de foudre dont les personnages eux-mêmes ne sont pas totalement conscients mais qui est suggéré par le narrateur.



                Pour commencer nous allons nous pencher sur les sentiments de Mme de Rênal, dont en tant que lecteurs nous suivons le point de vue, après une première phrase où le narrateur omniscient fait son éloge : « la vivacité et la grâce  (lui) sont naturelles »( l.1) et signale ses déplacements : « elle sortait par la porte-fenêtre » (L.2). Le verbe qui annonce la focalisation interne est « aperçut  près de la porte d’entrée » (L.3) donnant lieu à un portrait de Julien tel que Mme de Rênal le voit : « un jeune paysan » qui est « presque encore enfant » et qui « venait de pleurer ».-Le lecteur sait que Julien, s’il pleure un peu, est surtout mouillé parce qu’il s’est rafraîchi à l’eau de la fontaine avant de venir sonner. Nous entrons dans les pensées de Mme de Rênal : « elle eût d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée ».
Ses premiers sentiments sont donc d’abord la curiosité et l’attendrissement qui révèlent comme l’écrit le narrateur un « tempérament romanesque », une imagination vive. Julien  donne une impression quasi féminine, timide et triste à la maîtresse des lieux. Le premier sentiment nommé d’ailleurs  est « la pitié », renforcée par le groupe nominal « pauvre créature » avec l’adjectif antéposé à valeur affective et l’emploi du mot « créature » qui efface le sexe de la personne au profit de l’image d’un être démuni qui sollicite une aide. Et ce d’autant plus que Mme de Rênal croit percevoir que Julien « n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette ». Il est perçu comme une personne timorée, faible et fragile. Le grand cœur de Mme de Rênal, ses qualités maternelles sont d’emblée mises en relief. Elle s’adressera d’ailleurs un peu plus loin à Julien en l’appelant « mon enfant ».

( Il faudrait développer les autres sentiments de Mme de Rênal dans le texte : cette partie est incomplète)

Nous allons donc maintenant nous intéresser aux sentiments de Julien. En arrivant près de la demeure du maire, il appréhende le face à face avec Mr de Rênal, un homme viril et puissant, il est stressé, sans se rendre compte que Mme de Rênal arrive derrière lui : «  Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. » (L.11) Le premier sentiment qu’il éprouve est donc logiquement la surprise. Mais cette surprise est liée à la qualité de la voix de Mme de Rênal  particulièrement « douce » et à la tendresse avec laquelle elle s’adresse à lui : «  Que voulez-vous ici mon enfant ? ». Julien n’a guère l’habitude de la douceur, il a été privé de présence féminine depuis longtemps et ses relations avec les hommes de sa famille sont marquées par la rudesse, la violence.
Au lieu de réagir à ces propos presqu’insultants pour sa masculinité, lui qui est si souvent susceptible en diable, il ressent comme un choc : « frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal ». Le narrateur utilise le participe « frappé » pour accentuer la surprise de Julien et introduire le thème du coup de foudre que l’on retrouvera dans l’emploi du participe « étonné » de la même famille que le nom « tonnerre ». Le trouble est si grand que le jeune homme subit une sorte de métamorphose : « il oublia une partie de sa timidité ». Il est tellement ébloui qu’ « il oublia tout, même ce qu’il venait faire ». Ce qui correspond tout à fait au bouleversement de quelqu’un qui tombe sous le charme de quelqu’un d’autre. La répétition du verbe « oublier » produit d’ailleurs un effet d’insistance hyperbolique. Il tarde à répondre à la question que lui pose Mme de Rênal et à lui révéler l’objet de sa visite.
Il éprouvera ainsi de la honte d’apparaître comme faible devant cette belle femme  comme le suggère ce segment de phrase «  tout honteux de ses larmes qu’il essuyait » et voudra retrouver une contenance. L’orgueil qu’on lui connaît reprend ses droits, l’amour-propre le fait se reprendre.
Julien est profondément perturbé par l’admiration que suscite Mme de Rênal : le champ lexical de « la beauté » en témoigne avec les expressions « voix douce », « regard  rempli de grâce », » aussi bien vêtue », «  teint si éblouissant » renforcé encore par les superlatifs, mais il connaît également une incroyable satisfaction d’amour- propre puisqu’il va jouir de la simple proximité d’une aussi  femme « aussi bien vêtue » de la bonne société et se sentira fier qu’elle l’appelle « Monsieur », une fois qu’elle saura qu’ « il vient pour être précepteur. » Pour lui une telle proximité avec la classe supérieure est une première fois comme le signale l’emploi de l’adverbe « jamais ».
Ainsi les indices de la naissance d’un coup de foudre entre les deux personnages sont nombreux dans le texte. Ils ne sont, eux, pas tout à fait conscients de ce qui est entrain de se produire. C’est Mme de Rênal qui s’aperçoit soudain de leur proximité joyeuse : « ils étaient fort près l’un de l’autre à se regarder », ce qui suggère un échange de regards assez long pour être remarqué par des personnes extérieures et l’incite à faire entrer Julien. Mais dès le début du texte des expressions évoquent un coup de foudre : «  frappé, étonné, interdit ». L’intensité du trouble de Julien, la façon dont il réagit à tout des réactions d’un jeune homme qui s’éprend de la femme qu’il regarde. L’importance du champ lexical du regard est en lui-même un signe qui ne trompe pas : «  aperçut, regard, se regarder ». L’amour entre par les yeux, c’est un cliché de la littérature. Julien est vraiment sous le charme, la rencontre agit de façon quasi magique.
Mme de Rênal est bouleversée elle aussi même si c’est par du soulagement plus que de l’admiration à ce stade : elle s’attendait à un précepteur vieux , laid , « qui battrait ses enfants » et c’est un jeune homme aux traits féminins et fragile et qui se présente. « Elle se moque d’elle-même » et des projections qu’elle avait faites. Ce qui la  met en joie : «  elle se mit à rire ». La folle gaieté de la jeune femme n’est pas liée à l’amour mais peut paraître prémonitoire. Julien lui plaît par ce biais.
Le narrateur nous montre alors subtilement la naissance d’une passion amoureuse, même si c’est plus visible en ce qui concerne Julien. L’atmosphère qui clôt la scène de rencontre est extrêmement heureuse. (…)

mardi 12 novembre 2019

Pour samedi 16 novembre: méthode du commentaire à revoir

Lire attentivement la méthode du commentaire littéraire que j'ai distribuée, interroger sur ce qui n'est pas compréhensible.

En classe, nous essaierons de l'appliquer au texte qui relate l'enterrement du père Goriot. ( la fin du roman)

Le Père Goriot ( parcours associé: objet d'étude: esthétiques et valeurs)

video résumé du roman montrée en classe

Le roman en ligne  : vous pouvez lire ce qui précède le texte à commenter.

Film adapté du roman de Balzac

Le Père Goriot sur le site de la BNF : l'essentiel à retenir.

Initiation à la dissertation ( pour le mardi 19 novembre)

En quoi Le Rouge et le Noir est-il un roman d'apprentissage?

Proposer une dissertation rédigée avec une introduction et un développement argumentée au moins de deux parties.
Deux plans possibles:
-Toutes les raisons pour lesquelles on peut considérer le roman comme un roman d'apprentissage, en les classant en trois grandes parties.
- Une remise en question du statut de Roman d'apprentissage du Rouge et le Noir:
1. En quoi le roman  est un roman d'apprentissage.
2 En quoi la formation peut paraître ratée.
3. En quoi la fin du roman témoigne d'un apprentissage très différent de ce que Julien avait cherché avant son séjour en prison.

Minimum deux pages. Chaque argument constitue un paragraphe argumenté à l'aide d'exemples pris dans le roman.

Cours du mardi 12 novembre: Questions sur le Rouge et le Noir , roman d'apprentissage


Le roman d’apprentissage (ou roman de formation), relate le parcours d’un personnage qui quitte son milieu familial, et la part d’enfance qui lui est rattachée, pour évoluer dans le monde et découvrir qui il est réellement. Très prisé au XIXe siècle – même s’il existe depuis le Moyen Âge et les romans de chevalerie – ce genre
permet à son auteur de mettre en évidence les tensions qui existent entre l’individu et la société dans laquelle il évolue. Généralement poussé par l’ambition, le personnage du roman d’apprentissage cherche à atteindre un certain statut qu’il considère légitime d’obtenir.
Les bouleversements gouvernementaux observés au XIXe siècle (Révolution, Empire, Restauration), ont déséquilibré les repères sociaux et politiques de l’époque, tout en permettant une mobilité sociale inédite jusqu’alors. Le roman d’apprentissage s’est fait le traducteur de ces aspirations parfois déçues, dans une société de plus en plus intéressée par la réussite sociale et l’argent.
L’inscription de Le Rouge et le Noir dans le genre du roman d’apprentissage peut ne pas aller de soi. En effet, si le personnage quitte bien son milieu social pour évoluer vers de plus hautes sphères au fil du roman, et s’il apprend à mieux se connaître à force d’introspection et d’analyse, il n’en demeure pas moins que la fin
du roman le ramène sur son lieu de départ, et le condamne à mort.
Étrange apprentissage, s’il en est, que de se laisser aller aux affres de la colère et de la passion. Mais cet échec social représente en réalité une forme d’apothéose spirituelle du protagoniste, qui sort « grandi » de cette longue aventure et acquiert une forme d’immortalité littéraire.

Questions
1. Quelle est la situation de Julien Sorel au début du roman ?
2. Quel est l’élément déclencheur qui va lui permettre de sortir de cette situation ?
3. Par quels lieux passe-t-il successivement dans le roman ? Peut-on y voir une forme d’évolution ?
4. Quels sont les personnages qui permettent à Julien d’évoluer, que ce soit dans la société ou dans la découverte de qui il est ?
5. Julien Sorel fait-il preuve d’ambition ? Quel regard le narrateur porte-t-il sur cette ambition ?
6. Peut-on dire, à la lecture du dénouement, que ce roman est bien un roman d’apprentissage ? Justifiez votre réponse en un paragraphe argumenté.

Elements de réponse:
1. Au début du roman, Julien Sorel est présenté comme un jeune garçon issu d’une famille pauvre (son père est charpentier) ;il est plutôt malingre et fragile, très doux. Mme de Rênal le compare même à une jeune fille.

2. L’élément déclencheur qui va permettre à Julien de sortir de cette situation est la proposition faite par le maire de Verrières, M. de Rênal, de devenir le précepteur de ses enfants. Cette proposition va permettre à Julien de quitter un foyer mal aimant, et d’entrer dans une société supérieure à celle de laquelle il provient.

3. Le roman commence dans la ville de Verrières, où Julien vit avec son père (nulle mention de la mère, si ce n’est au moment du procès où Julien avoue : « Mme de Rênal avait été pour moi comme une mère. » II, XLI) ; c’est là qu’il entre au service de Rênal, avant d’en être exclu et de rejoindre le séminaire de Besançon. À la fin du livre premier, Julien quitte le séminaire, retourne à Verrières le temps d’une visite nocturne à Mme de Rênal, puis se rend à Paris. Il vit chez le marquis de La Mole, et fait pour lui une brève excursion à Strasbourg. De retour à Paris, Julien est déshonoré par la lettre de Mme de Rênal envoyée au marquis. Furieux, il part à Verrières et tire sur elle durant la messe. Toute la fin du roman se déroule en prison, d’abord celle de Verrières puis de Besançon, où il est conduit au chapitre XXXVI. Ainsi, on peut difficilement voir une forme d’évolution positive si l’on s’attache uniquement aux lieux dans lesquels évolue le personnage. Certes, il y a une gradation entre le livre I et le milieu du livre II, puisque Julien passe de sa bourgade de province au salon d’un marquis parisien, mais tout s’effondre avec le deuxième retour de Julien à Verrières. Cependant cette boucle n’est qu’apparente,car le protagoniste a en réalité beaucoup changé entre le début et la fin du récit.
 
4. Comme souvent dans les romans d’apprentissage, les femmes jouent un rôle essentiel dans la formation du héros. Ici, le rôle est endossé par Mme de Rênal puis par Mathilde de La Mole, qui enseignent à leur amant comment s’approprier les codes de la société du monde. Ce qui n’empêchera pas certaines bévues à effets comiques, caractéristiques du genre (par exemple l’épisode du tailleur,de l’équitation, du duel ou encore du bal). Ces deux amantes lui permettent aussi d’en apprendre plus sur lui-même : on peut parler « d’éducation sentimentale » ici. Il n’est pas anodin que la première à l’initier à l’amour soit plus âgée de dix ans, tandis que la seconde soit davantage une sorte de double féminin du personnage, comme un miroir de sa propre passion orgueilleuse.
D’autres personnages permettent à Julien d’évoluer dans la société, par exemple l’abbé Pirard, le curé Chélan qui le fait entrer au service de M. de La Mole, ou le marquis lui-même, grâce auquel Julien va, symboliquement, passer successivement du « fils Sorel » à « Julien de Sorel », puis au « chevalier Sorel de La Vernaye », fils présumé d’un aristocrate. Mais l’ambition chez Julien Sorel est surtout portée par une figure invisible, symbolique et cachée qu’il rêve d’atteindre : Napoléon.

5. Julien Sorel fait dès le début preuve d’une grande ambition ;il avoue d’ailleurs sa « résolution inébranlable de s’exposer à mille morts plutôt que de ne pas faire fortune » (I, V). Cependant, ce désir de « faire fortune » n’est pas lié qu’au désir de devenir riche. Ce que cherche surtout à obtenir Julien, comme son maître Napoléon, c’est une forme de reconnaissance sociale malgré sa basse extraction. Il déteste qu’on le considère comme un « paysan », un « plébéien ». Il entretient d’ailleurs un rapport ambigu avec les riches et les nobles,qui apparaissent à la fois comme ceux auxquels il veut ressembler, mais aussi comme de véritables adversaires :
« Il n’éprouvait que haine et horreur pour la haute société où il était admis, à la vérité au bas bout de la table, ce qui explique
peut-être la haine et l’horreur. Il y eut certains dîners d’apparat où il put à grande peine contenir sa haine pour tout ce qui
l’environnait. » (I, VII)
Cependant, cette ambition parfois démesurée est souvent moquée par le narrateur, qui n’hésite pas à traiter Julien Sorel de « parvenu » (II, XIII), ou à ironiser sur sa « petite vanité » (I, XIII). C’est cette ambition qui aveugle le personnage et l’empêche de créer des relations sincères, que ce soit avec Mme de Rênal et ses enfants
ou avec le marquis de La Mole, qui lui est pourtant sincèrement attaché. Cet aveuglement d’orgueil, paradoxalement, va empêcher Julien d’atteindre ses objectifs.

6. L’extrait de l’article proposé par le site Universalis.fr permet de répondre à la question et de faire le bilan:
« Si le livre ne doit pas être réduit au genre du roman d’apprentissage,le destin de l’ambitieux Julien est intimement lié à l’histoire de sa formation. L’enfant qui rêvait des épopées napoléoniennes deviendra à son corps défendant l’élève des puissants Jésuites de la Restauration.
Le bon curé Chélan cédera à son tour le pas à l’habile abbé Picard qui permettra au jeune homme de croiser un « maître » plus conforme à ses idéaux en la personne du marquis de La Mole. Il en va de même pour « l’éducation sentimentale » de Julien et pour la férocité de la critique politique qui procure une connaissance sans pareille d’une France où l’horizon de toute une génération semble bouché. Le Rouge et le Noir ne se résume donc pas à être, selon la formule de son auteur, un « miroir que l’on promène sur une grande route».