lundi 18 novembre 2019

Commentaire ( rencontre de Julien et mme de Rênal) proposé par Théo

J'ai pris la peine de taper le commentaire de Théo avec quelques modifications mais assez peu pour que vous ayez une idée de ce qu'il est possible de faire au niveau d'une élève.



Le Rouge et le Noir est un roman réaliste écrit par Stendhal. Il a été publié pour la première fois à Paris en novembre 1830. Il est sous-titré « Chronique du XIXème siècle » et on le qualifie souvent de roman d’apprentissage. Cette œuvre a été inspirée par un fait divers tragique, l’affaire Berthet, du nom d’un jeune homme qui avait tenté d’assassiner sa maîtresse en 1828. Le roman mélange les aventureuses amoureuses et la quête d’ascension sociale du jeune Julien Sorel. Ce fils de charpentier du Doubs ne supporte plus sa vie difficile et misérable dans la scierie paternelle. Il n’a plus de mère, se fait battre par ses frères et son père car ils détestent son goût de la lecture et sa différence. Une négociation entre son père et le Maire de Verrières, Monsieur de Rênal, va lui permettre d’échapper à son milieu : il va devenir le précepteur des enfants Rênal. Il utilisera Mme de Rênal comme un adjuvant de son ascension sociale et en tombera amoureux, mais nous n’en sommes pas là. L’extrait du chapitre VI que nous allons commenter raconte leur première rencontre à la porte de la maison Rênal. Nous pouvons nous demander en quoi cette scène de première vue annonce l’idylle amoureuse de Julien et Mme de Rênal. Dans une première partie, nous étudierons, les sentiments de la jeune femme dont le lecteur suit d’abord le point de vue, puis nous détaillerons les sentiments de Julien avant de chercher dans le texte les indices d’un coup de foudre dont les personnages eux-mêmes ne sont pas totalement conscients mais qui est suggéré par le narrateur.



                Pour commencer nous allons nous pencher sur les sentiments de Mme de Rênal, dont en tant que lecteurs nous suivons le point de vue, après une première phrase où le narrateur omniscient fait son éloge : « la vivacité et la grâce  (lui) sont naturelles »( l.1) et signale ses déplacements : « elle sortait par la porte-fenêtre » (L.2). Le verbe qui annonce la focalisation interne est « aperçut  près de la porte d’entrée » (L.3) donnant lieu à un portrait de Julien tel que Mme de Rênal le voit : « un jeune paysan » qui est « presque encore enfant » et qui « venait de pleurer ».-Le lecteur sait que Julien, s’il pleure un peu, est surtout mouillé parce qu’il s’est rafraîchi à l’eau de la fontaine avant de venir sonner. Nous entrons dans les pensées de Mme de Rênal : « elle eût d’abord l’idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée ».
Ses premiers sentiments sont donc d’abord la curiosité et l’attendrissement qui révèlent comme l’écrit le narrateur un « tempérament romanesque », une imagination vive. Julien  donne une impression quasi féminine, timide et triste à la maîtresse des lieux. Le premier sentiment nommé d’ailleurs  est « la pitié », renforcée par le groupe nominal « pauvre créature » avec l’adjectif antéposé à valeur affective et l’emploi du mot « créature » qui efface le sexe de la personne au profit de l’image d’un être démuni qui sollicite une aide. Et ce d’autant plus que Mme de Rênal croit percevoir que Julien « n’osait pas lever la main jusqu’à la sonnette ». Il est perçu comme une personne timorée, faible et fragile. Le grand cœur de Mme de Rênal, ses qualités maternelles sont d’emblée mises en relief. Elle s’adressera d’ailleurs un peu plus loin à Julien en l’appelant « mon enfant ».

( Il faudrait développer les autres sentiments de Mme de Rênal dans le texte : cette partie est incomplète)

Nous allons donc maintenant nous intéresser aux sentiments de Julien. En arrivant près de la demeure du maire, il appréhende le face à face avec Mr de Rênal, un homme viril et puissant, il est stressé, sans se rendre compte que Mme de Rênal arrive derrière lui : «  Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. » (L.11) Le premier sentiment qu’il éprouve est donc logiquement la surprise. Mais cette surprise est liée à la qualité de la voix de Mme de Rênal  particulièrement « douce » et à la tendresse avec laquelle elle s’adresse à lui : «  Que voulez-vous ici mon enfant ? ». Julien n’a guère l’habitude de la douceur, il a été privé de présence féminine depuis longtemps et ses relations avec les hommes de sa famille sont marquées par la rudesse, la violence.
Au lieu de réagir à ces propos presqu’insultants pour sa masculinité, lui qui est si souvent susceptible en diable, il ressent comme un choc : « frappé du regard si rempli de grâce de Mme de Rênal ». Le narrateur utilise le participe « frappé » pour accentuer la surprise de Julien et introduire le thème du coup de foudre que l’on retrouvera dans l’emploi du participe « étonné » de la même famille que le nom « tonnerre ». Le trouble est si grand que le jeune homme subit une sorte de métamorphose : « il oublia une partie de sa timidité ». Il est tellement ébloui qu’ « il oublia tout, même ce qu’il venait faire ». Ce qui correspond tout à fait au bouleversement de quelqu’un qui tombe sous le charme de quelqu’un d’autre. La répétition du verbe « oublier » produit d’ailleurs un effet d’insistance hyperbolique. Il tarde à répondre à la question que lui pose Mme de Rênal et à lui révéler l’objet de sa visite.
Il éprouvera ainsi de la honte d’apparaître comme faible devant cette belle femme  comme le suggère ce segment de phrase «  tout honteux de ses larmes qu’il essuyait » et voudra retrouver une contenance. L’orgueil qu’on lui connaît reprend ses droits, l’amour-propre le fait se reprendre.
Julien est profondément perturbé par l’admiration que suscite Mme de Rênal : le champ lexical de « la beauté » en témoigne avec les expressions « voix douce », « regard  rempli de grâce », » aussi bien vêtue », «  teint si éblouissant » renforcé encore par les superlatifs, mais il connaît également une incroyable satisfaction d’amour- propre puisqu’il va jouir de la simple proximité d’une aussi  femme « aussi bien vêtue » de la bonne société et se sentira fier qu’elle l’appelle « Monsieur », une fois qu’elle saura qu’ « il vient pour être précepteur. » Pour lui une telle proximité avec la classe supérieure est une première fois comme le signale l’emploi de l’adverbe « jamais ».
Ainsi les indices de la naissance d’un coup de foudre entre les deux personnages sont nombreux dans le texte. Ils ne sont, eux, pas tout à fait conscients de ce qui est entrain de se produire. C’est Mme de Rênal qui s’aperçoit soudain de leur proximité joyeuse : « ils étaient fort près l’un de l’autre à se regarder », ce qui suggère un échange de regards assez long pour être remarqué par des personnes extérieures et l’incite à faire entrer Julien. Mais dès le début du texte des expressions évoquent un coup de foudre : «  frappé, étonné, interdit ». L’intensité du trouble de Julien, la façon dont il réagit à tout des réactions d’un jeune homme qui s’éprend de la femme qu’il regarde. L’importance du champ lexical du regard est en lui-même un signe qui ne trompe pas : «  aperçut, regard, se regarder ». L’amour entre par les yeux, c’est un cliché de la littérature. Julien est vraiment sous le charme, la rencontre agit de façon quasi magique.
Mme de Rênal est bouleversée elle aussi même si c’est par du soulagement plus que de l’admiration à ce stade : elle s’attendait à un précepteur vieux , laid , « qui battrait ses enfants » et c’est un jeune homme aux traits féminins et fragile et qui se présente. « Elle se moque d’elle-même » et des projections qu’elle avait faites. Ce qui la  met en joie : «  elle se mit à rire ». La folle gaieté de la jeune femme n’est pas liée à l’amour mais peut paraître prémonitoire. Julien lui plaît par ce biais.
Le narrateur nous montre alors subtilement la naissance d’une passion amoureuse, même si c’est plus visible en ce qui concerne Julien. L’atmosphère qui clôt la scène de rencontre est extrêmement heureuse. (…)

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