Le Rouge et le Noir
est un roman réaliste écrit par Stendhal. Il a été publié pour la première fois
à Paris en novembre 1830. Il est sous-titré « Chronique du XIXème siècle »
et on le qualifie souvent de roman d’apprentissage. Cette œuvre a été inspirée
par un fait divers tragique, l’affaire Berthet, du nom d’un jeune homme qui
avait tenté d’assassiner sa maîtresse en 1828. Le roman mélange les
aventureuses amoureuses et la quête d’ascension sociale du jeune Julien Sorel.
Ce fils de charpentier du Doubs ne supporte plus sa vie difficile et misérable
dans la scierie paternelle. Il n’a plus de mère, se fait battre par ses frères
et son père car ils détestent son goût de la lecture et sa différence. Une
négociation entre son père et le Maire de Verrières, Monsieur de Rênal, va lui
permettre d’échapper à son milieu : il va devenir le précepteur des
enfants Rênal. Il utilisera Mme de Rênal comme un adjuvant de son ascension
sociale et en tombera amoureux, mais nous n’en sommes pas là. L’extrait du
chapitre VI que nous allons commenter raconte leur première rencontre à la
porte de la maison Rênal. Nous pouvons nous demander en quoi cette scène de
première vue annonce l’idylle amoureuse de Julien et Mme de Rênal. Dans une
première partie, nous étudierons, les sentiments de la jeune femme dont le
lecteur suit d’abord le point de vue, puis nous détaillerons les sentiments de
Julien avant de chercher dans le texte les indices d’un coup de foudre dont les
personnages eux-mêmes ne sont pas totalement conscients mais qui est suggéré
par le narrateur.
Pour
commencer nous allons nous pencher sur les sentiments de Mme de Rênal, dont en
tant que lecteurs nous suivons le point de vue, après une première phrase où le
narrateur omniscient fait son éloge : « la vivacité et la grâce (lui) sont naturelles »( l.1) et signale
ses déplacements : « elle sortait par la porte-fenêtre » (L.2).
Le verbe qui annonce la focalisation interne est « aperçut près de
la porte d’entrée » (L.3) donnant lieu à un portrait de Julien tel que Mme
de Rênal le voit : « un jeune paysan » qui est « presque
encore enfant » et qui « venait de pleurer ».-Le lecteur sait
que Julien, s’il pleure un peu, est surtout mouillé parce qu’il s’est rafraîchi
à l’eau de la fontaine avant de venir sonner. Nous entrons dans les pensées de
Mme de Rênal : « elle eût d’abord l’idée que ce pouvait être une
jeune fille déguisée ».
Ses premiers sentiments sont donc
d’abord la curiosité et l’attendrissement qui révèlent comme l’écrit le
narrateur un « tempérament romanesque », une imagination vive. Julien
donne une impression quasi féminine,
timide et triste à la maîtresse des lieux. Le premier sentiment nommé d’ailleurs
est « la pitié », renforcée
par le groupe nominal « pauvre créature » avec l’adjectif antéposé à
valeur affective et l’emploi du mot « créature » qui efface le sexe
de la personne au profit de l’image d’un être démuni qui sollicite une aide. Et
ce d’autant plus que Mme de Rênal croit percevoir que Julien « n’osait pas
lever la main jusqu’à la sonnette ». Il est perçu comme une personne timorée,
faible et fragile. Le grand cœur de Mme de Rênal, ses qualités maternelles sont
d’emblée mises en relief. Elle s’adressera d’ailleurs un peu plus loin à Julien
en l’appelant « mon enfant ».
( Il
faudrait développer les autres sentiments de Mme de Rênal dans le texte :
cette partie est incomplète)
Nous allons donc maintenant nous
intéresser aux sentiments de Julien. En arrivant près de la demeure du maire, il
appréhende le face à face avec Mr de Rênal, un homme viril et puissant, il est
stressé, sans se rendre compte que Mme de Rênal arrive derrière lui : «
Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s’avancer. » (L.11) Le
premier sentiment qu’il éprouve est donc logiquement la surprise. Mais cette
surprise est liée à la qualité de la voix de Mme de Rênal particulièrement « douce » et à la
tendresse avec laquelle elle s’adresse à lui : « Que voulez-vous ici
mon enfant ? ». Julien n’a guère l’habitude de la douceur, il a été
privé de présence féminine depuis longtemps et ses relations avec les hommes de
sa famille sont marquées par la rudesse, la violence.
Au lieu de réagir à ces propos
presqu’insultants pour sa masculinité, lui qui est si souvent susceptible en diable,
il ressent comme un choc : « frappé du regard si rempli de grâce
de Mme de Rênal ». Le narrateur utilise le participe « frappé »
pour accentuer la surprise de Julien et introduire le thème du coup de foudre
que l’on retrouvera dans l’emploi du participe « étonné » de la même
famille que le nom « tonnerre ». Le trouble est si grand que le jeune
homme subit une sorte de métamorphose : « il oublia une partie de sa
timidité ». Il est tellement ébloui qu’ « il oublia tout, même
ce qu’il venait faire ». Ce qui correspond tout à fait au bouleversement
de quelqu’un qui tombe sous le charme de quelqu’un d’autre. La répétition du
verbe « oublier » produit d’ailleurs un effet d’insistance
hyperbolique. Il tarde à répondre à la question que lui pose Mme de Rênal et à
lui révéler l’objet de sa visite.
Il éprouvera ainsi de la honte d’apparaître
comme faible devant cette belle femme comme le suggère ce segment de
phrase « tout honteux de ses larmes qu’il essuyait » et voudra
retrouver une contenance. L’orgueil qu’on lui connaît reprend ses droits, l’amour-propre
le fait se reprendre.
Julien est profondément perturbé
par l’admiration que suscite Mme de Rênal : le champ lexical de « la
beauté » en témoigne avec les expressions « voix douce », « regard
rempli de grâce », » aussi bien vêtue », « teint si
éblouissant » renforcé encore par les superlatifs, mais il connaît
également une incroyable satisfaction d’amour- propre puisqu’il va jouir de la
simple proximité d’une aussi femme « aussi
bien vêtue » de la bonne société et se sentira fier qu’elle l’appelle « Monsieur »,
une fois qu’elle saura qu’ « il vient pour être précepteur. »
Pour lui une telle proximité avec la classe supérieure est une première fois
comme le signale l’emploi de l’adverbe « jamais ».
Ainsi les indices de la naissance
d’un coup de foudre entre les deux personnages sont nombreux dans le texte. Ils
ne sont, eux, pas tout à fait conscients de ce qui est entrain de se produire. C’est
Mme de Rênal qui s’aperçoit soudain de leur proximité joyeuse : « ils
étaient fort près l’un de l’autre à se regarder », ce qui suggère un
échange de regards assez long pour être remarqué par des personnes extérieures
et l’incite à faire entrer Julien. Mais dès le début du texte des expressions
évoquent un coup de foudre : « frappé, étonné, interdit ». L’intensité
du trouble de Julien, la façon dont il réagit à tout des réactions d’un jeune
homme qui s’éprend de la femme qu’il regarde. L’importance du champ lexical du
regard est en lui-même un signe qui ne trompe pas : « aperçut,
regard, se regarder ». L’amour entre par les yeux, c’est un cliché de la littérature.
Julien est vraiment sous le charme, la rencontre agit de façon quasi magique.
Mme de Rênal est bouleversée elle
aussi même si c’est par du soulagement plus que de l’admiration à ce stade :
elle s’attendait à un précepteur vieux , laid , « qui battrait ses enfants »
et c’est un jeune homme aux traits féminins et fragile et qui se présente. « Elle
se moque d’elle-même » et des projections qu’elle avait faites. Ce qui la met en joie : « elle se mit à rire ».
La folle gaieté de la jeune femme n’est pas liée à l’amour mais peut paraître prémonitoire.
Julien lui plaît par ce biais.
Le narrateur nous montre alors
subtilement la naissance d’une passion amoureuse, même si c’est plus visible en
ce qui concerne Julien. L’atmosphère qui clôt la scène de rencontre est extrêmement
heureuse. (…)
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