Le personnage de Julien (5) Orgueilleux et violent ?
1. L’orgueil : force, isolement,
supériorité de l’épervier napoléonien. Véritables objectifs : lui-même,
être Moi. Paradoxe du péché absolu pour un être à l’air humble : faux
prêtre. Cf ironie de Stendhal quand J aimé de Mathilde se trouve « élevé
au-dessus de lui-même », dilaté de joie au point d’avoir besoin d’espace,
porté à une immense hauteur. « ivre de bonheur et de sentiment de
puissance » héros, demi dieu invincible : « il était un
dieu »
« Je suis petit mais
je ne suis pas bas », « quoique né bien bas, il a le cœur
haut », n’est pas né « à genoux » : promesse illimitée de
grandeur, engagement vis-à-vis de lui-même à être toujours digne de soi.
Napoléonien, luciférien ou luthérien : foi en lui-même productrice
d’énergie. « Je me dois à moi-même d’être son amant » à propos de Mme
de Rênal qui heureusement l’adore. Impératif de l’être : ce qu’il doit
être, ce qu’il se doit d’être.
2. Le devoir : orgueil lié au
devoir : loi intérieure. Manquement au devoir : honte, remords,
sentiment d’infériorité, diminution du Moi. C’est pour ne pas se mépriser que j
va au rendez-vous de Mathilde. Honneur : « l’honneur parle, j’ai vu
le devoir, il faut le suivre à l’instant » dit Mathilde qui a la même
morale cornélienne que J : comportement aristocratique : il hérite de
l’honneur noble et en fait sa loi.
3. La violence : grande âme
criminelle : paradoxe du sublime, de l’énergie cf l’assassin Lafarge.
Incarnation de la force. Pour Stendhal : crime = guerre contre la société.
Un étranger à la société : conserve intacte la robustesse native, peuple
des montagnes, état de nature antérieur à la société, à la civilisation qui
rend les hommes dépendants les uns des autres et les affaiblit. Fidélité de
l’homme à son désir malgré les censures de la loi et de la morale, force par
essence révoltée en Mathilde et J.
« un galop de cheval
noir » , « air méchant » portrait, effroi de Mme Derville
devant la violence de son regard : « comme un espoir vague de la plus
atroce vengeance » ; crime final : âpre atmosphère de haine et
d’agressivité. Constante volonté d’agir, de passer à l’acte, marche droit au
danger : Mathilde reconnaît en lui un homme des temps héroïques qui
affronte le péril en dehors de toute sanction morale et sociale. « Le
danger vraiment laid » qui compromet sans remède et isole, ruée vers
l’exécution cf le sang dans le bénitier de la cathédrale de Besançon, monte à
l’échelle en courant pour rejoindre Mathilde. Marche sur l’ennemi :
violence des autres à son égard : frères, père, séminariste, rustre de
Besançon, cocher, duel, attaque, riposte, rapt cf conduite sociale et surtout
amoureuse : la conquête de la main de Mme de Rênal. S’empare de la femme
de son employeur, de la fille de ses maîtres, escalades et effractions, violence
prête à exploser, toujours imminente et potentielle. Besoin d’en découdre,
obsession du combat. J toujours armé : compas, pistolets, vieille épée. Il
songe à tuer ceux qui le méprisent.
4. Ego-iste : J ne connaît que les
« justes droits de (son) orgueil ». conservation et expansion du
Moi : « chacun pour soi dans ce désert d’égoïsme qu’on appelle la
vie » Métaphore de l’animal de proie qui domine, sourd travail de
rébellion contre tout lien et toute association : la prison qui le prive
de liberté a l’avantage de le délivrer des hommes !
Respirant « le crime
sans alliage », en guerre « avec toute la société »,
« jamais de retour sur lui-même » : fêlure de la conscience qui
l’affaiblirait.
5. Père et fils : Œdipe romanesque : haï de son père et le haïssant,
n’acceptant de paternité que spirituelle et choisie : refus de la
filiation, option pour le parricide ou la bâtardise, l’origine inconnue,
l’enfant trouvé, orphelin radical. J se veut le fils de personne comme si né de
lui-même et de ses œuvres : aucune origine humaine. Haine enlève à la
paternité toute valeur positive : lien négatif fondé sur le despotisme et
la méchanceté. Origine de J : combat et opposition. Père représentant de
l’ordre, du despotisme légitime qui commence dans le lien familial et dont le
roman unit les aspects politiques et religieux. Première vision du père
écrasante// invective finale contre le Dieu judaïque, despote. Mais absence de
paternité pas vraiment compensée : malheur de J. l’Œdipe le constitue en
déviant fondamental, obstacle intérieur dont il se libère peu à peu cf l’ultime
rencontre avec le père en prison où après avoir pris sa revanche sur la pseudo
morale du père et démasqué en lui l’avare ignoble, il se guérit du désespoir.
Paix intérieure, réconciliation avec lui-même.
6. Par de là le bien et le mal :
c’est son ingratitude qui a le plus choqué les lecteurs du XIXème siècle.
Transgression cf ingrat avec Mathilde. J a conscience d’être un égoïste :
« serai-je donc un méchant ? Cette question l’eût bien peu occupé
quand il était ambitieux ; alors ne pas réussir était la seule honte à ses
yeux ». Réussir : vaincre, dominer, se venger. Il dérogerait à ses
yeux s’il n’avait pas le courage. Modèle napoléonien complété par celui de
Danton. J jacobin : qui veut la fin, veut les moyens : « Je
ferais pendre trois hommes pour sauver la vie de quatre ». justifie le
vol, le crime » quand on fait des crimes, du moins faut-il les faire avec
plaisir ». J homme ouragan, destructeur. Paradoxe de la paix et du bonheur
trouvé par delà le bien et le mal avant son exécution, loin des hommes et dans
la certitude de l’amour de Mme de Rênal.
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