samedi 9 novembre 2019

Le personnage de Julien (5): orgueilleux et violent?


Le personnage de Julien (5) Orgueilleux et violent ?

1.       L’orgueil : force, isolement, supériorité de l’épervier napoléonien. Véritables objectifs : lui-même, être Moi. Paradoxe du péché absolu pour un être à l’air humble : faux prêtre. Cf ironie de Stendhal quand J aimé de Mathilde se trouve « élevé au-dessus de lui-même », dilaté de joie au point d’avoir besoin d’espace, porté à une immense hauteur. « ivre de bonheur et de sentiment de puissance » héros, demi dieu invincible : « il était un dieu »
« Je suis petit mais je ne suis pas bas », « quoique né bien bas, il a le cœur haut », n’est pas né « à genoux » : promesse illimitée de grandeur, engagement vis-à-vis de lui-même à être toujours digne de soi. Napoléonien, luciférien ou luthérien : foi en lui-même productrice d’énergie. « Je me dois à moi-même d’être son amant » à propos de Mme de Rênal qui heureusement l’adore. Impératif de l’être : ce qu’il doit être, ce qu’il se doit d’être.

2.       Le devoir : orgueil lié au devoir : loi intérieure. Manquement au devoir : honte, remords, sentiment d’infériorité, diminution du Moi. C’est pour ne pas se mépriser que j va au rendez-vous de Mathilde. Honneur : « l’honneur parle, j’ai vu le devoir, il faut le suivre à l’instant » dit Mathilde qui a la même morale cornélienne que J : comportement aristocratique : il hérite de l’honneur noble et en fait sa loi.

3.       La violence : grande âme criminelle : paradoxe du sublime, de l’énergie cf l’assassin Lafarge. Incarnation de la force. Pour Stendhal : crime = guerre contre la société. Un étranger à la société : conserve intacte la robustesse native, peuple des montagnes, état de nature antérieur à la société, à la civilisation qui rend les hommes dépendants les uns des autres et les affaiblit. Fidélité de l’homme à son désir malgré les censures de la loi et de la morale, force par essence révoltée en Mathilde et J.
« un galop de cheval noir » , « air méchant » portrait, effroi de Mme Derville devant la violence de son regard : « comme un espoir vague de la plus atroce vengeance » ; crime final : âpre atmosphère de haine et d’agressivité. Constante volonté d’agir, de passer à l’acte, marche droit au danger : Mathilde reconnaît en lui un homme des temps héroïques qui affronte le péril en dehors de toute sanction morale et sociale. « Le danger vraiment laid » qui compromet sans remède et isole, ruée vers l’exécution cf le sang dans le bénitier de la cathédrale de Besançon, monte à l’échelle en courant pour rejoindre Mathilde. Marche sur l’ennemi : violence des autres à son égard : frères, père, séminariste, rustre de Besançon, cocher, duel, attaque, riposte, rapt cf conduite sociale et surtout amoureuse : la conquête de la main de Mme de Rênal. S’empare de la femme de son employeur, de la fille de ses maîtres, escalades et effractions, violence prête à exploser, toujours imminente et potentielle. Besoin d’en découdre, obsession du combat. J toujours armé : compas, pistolets, vieille épée. Il songe à tuer ceux qui le méprisent.

4.       Ego-iste : J ne connaît que les « justes droits de (son) orgueil ». conservation et expansion du Moi : « chacun pour soi dans ce désert d’égoïsme qu’on appelle la vie » Métaphore de l’animal de proie qui domine, sourd travail de rébellion contre tout lien et toute association : la prison qui le prive de liberté a l’avantage de le délivrer des hommes !
Respirant « le crime sans alliage », en guerre « avec toute la société », « jamais de retour sur lui-même » : fêlure de la conscience qui l’affaiblirait.

5.       Père et fils : Œdipe romanesque : haï de son père et le haïssant, n’acceptant de paternité que spirituelle et choisie : refus de la filiation, option pour le parricide ou la bâtardise, l’origine inconnue, l’enfant trouvé, orphelin radical. J se veut le fils de personne comme si né de lui-même et de ses œuvres : aucune origine humaine. Haine enlève à la paternité toute valeur positive : lien négatif fondé sur le despotisme et la méchanceté. Origine de J : combat et opposition. Père représentant de l’ordre, du despotisme légitime qui commence dans le lien familial et dont le roman unit les aspects politiques et religieux. Première vision du père écrasante// invective finale contre le Dieu judaïque, despote. Mais absence de paternité pas vraiment compensée : malheur de J. l’Œdipe le constitue en déviant fondamental, obstacle intérieur dont il se libère peu à peu cf l’ultime rencontre avec le père en prison où après avoir pris sa revanche sur la pseudo morale du père et démasqué en lui l’avare ignoble, il se guérit du désespoir. Paix intérieure, réconciliation avec lui-même.

6.       Par de là le bien et le mal : c’est son ingratitude qui a le plus choqué les lecteurs du XIXème siècle. Transgression cf ingrat avec Mathilde. J a conscience d’être un égoïste : « serai-je donc un méchant ? Cette question l’eût bien peu occupé quand il était ambitieux ; alors ne pas réussir était la seule honte à ses yeux ». Réussir : vaincre, dominer, se venger. Il dérogerait à ses yeux s’il n’avait pas le courage. Modèle napoléonien complété par celui de Danton. J jacobin : qui veut la fin, veut les moyens : «  Je ferais pendre trois hommes pour sauver la vie de quatre ». justifie le vol, le crime » quand on fait des crimes, du moins faut-il les faire avec plaisir ». J homme ouragan, destructeur. Paradoxe de la paix et du bonheur trouvé par delà le bien et le mal avant son exécution, loin des hommes et dans la certitude de l’amour de Mme de Rênal.

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