Le personnage de Julien (3) Un hypocrite ?
1. L’hypocrisie : notion de
rôle : ambition et hypocrisie associées dans le répertoire des masques et
des identités idéales projetées par J hors de lui, en avant de lui pour
fortifier sa volonté. Construction volontaire de soi le dénature même au lit
lorsqu’il va découvrir l’amour!
« Conscience de classe »
singulièrement tactique : convoque le spectre de la misère pour forcer sa
décision. J : dans la traversée des métiers, des uniformes, des
apparences : vide de la personnalité ?
Tartuffe, Alceste, Don
Juan : hypocrisie constitutive : être calculé et calculateur,
aspirerait à la fortune par le mensonge, double jeu, confusion du spirituel et
du temporel : caractéristique de la Restauration. « Coquineries
nécessaires ». Pourtant Stendhal hostile à la feinte, à la
simulation-dissimulation cléricale ou morale : perversion inexcusable de
l’humain.
Reprise du thème du faux
dévot perdu par les femmes cf la lettre dénonciatrice de Mme de Rênal//prise de
pouvoir de Tartuffe dans une famille de dupes. Remonter au XVIIème siècle pour
comprendre J : héros d’une énergie « cléricale » :
dégradation du sacré devenu moyen de fortune et de séduction. Un Tartuffe
sympathique aux lectrices ?
+ Alceste ( Misanthrope)
et Don Juan : méditation vivante sur l’art de mentir et de plaire.
Misanthrope vertueux (Alceste revu par Rousseau) : révolte, républicain
convaincu que la fausseté soutient tout l’édifice social : devenir
lui-même l’agent du mensonge universel. J : vrai « haïsseur de
l’homme » cf Pirard janséniste opposé aux Jésuites, virtuoses de l’art de
plaire. Crises de dégout devant la bassesse, refus de l’autre, du tristement
semblable, protestation de sa conscience vertueuse, quête de la solitude
absolue : son « désert », la prison.
Don Juan qui fonde tout
l’amour sur la conquête, la prise méthodique, fut-il amoureux et aimé.
« Théâtre du mensonge « qui lui fait horreur ; « fourbe
sublime », héros de la volonté pure, de la maîtrise de soi utilisée pour
la maîtrise des autres// Machiavel, Gracian, Retz, les roués du XVIIIème
siècle, « comédien » de Diderot// traitres élisabéthains, Iago,
dénonciateur cynique de la fausseté.
Une hypocrisie intéressée ? Serait-il condamné à mentir pour
se protéger parce qu’il est faible, exclu ? Fraude et ruse : conduite
d’adaptation et de défense. Le masque le laisserait intact, différent de
Lorenzaccio de Musset ; pas dupe de ses « coquineries
nécessaires », reste pur : pratiqué le double jeu lucidement comme un
« état ».
J est si mauvais hypocrite
qu’il réussit malgré son double jeu. Il finit par l’exhiber comme un projet de
tromper : son absence de foi est notoire ( cache davantage son goût de
Napoléon que son absence de foi religieuse, ne trompe pas ses directeurs
ecclésiastiques : « son roman »= »suite de fausses
démarches », d »étourderies » qui l’écartent de la voie droite
et simple du mensonge pour arriver. Au séminaire, il choisit un janséniste au
lieu d’un membre de la Congrégation. N’a pas le sens intuitif des
situations : se trompe sur la réalité, laisse l’impulsion déranger le
rôle, naïf dans la feinte.
J n’est pas hypocrite, il fait l’hypocrite : acteur de
lui-même fort inégal. Trop d’orgueil pour entrer dans le rôle et trop de
spontanéité pour s’asservir à un véritable contrôle de soi : donne le
change parfois mais son hypocrisie échoue à masquer l’ardeur de ses désirs et
la vigueur de son intelligence. Tout ce qu’il perd en efficacité arriviste, il
le gagne en vertu romanesque. Il veut l’imposture et ne la peut pas : cet
échec le sauve sur le plan littéraire. Ecart entre son cœur et son état :
premier mouvement toujours le bon. Antithèse entre une perversion de
l’intention et une fraîcheur d’âme, une bonté naturelle. « Un
enfant », ingénu, être neuf et naturel et comme étranger à la corruption
et à l’avilissement : « grâce » et charme, « cœur facile à
toucher », « âme tendre ». Stendhal : » un jeune homme
tendre et honnête, encore empli d’imagination et d’illusion », sensibilité
délicate, timidité, attente éperdue d’affection, souhait d’un échange de cœur à
cœur. Pas « méchant homme », pas l’être dur et sans scrupules qu’il
voudrait représenter. Combat de J contre la société doublé d’un combat contre
lui-même.
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