samedi 9 novembre 2019

Le personnage de Julien (3) L'hypocrite


Le personnage de Julien (3) Un hypocrite ?

1.       L’hypocrisie : notion de rôle : ambition et hypocrisie associées dans le répertoire des masques et des identités idéales projetées par J hors de lui, en avant de lui pour fortifier sa volonté. Construction volontaire de soi le dénature même au lit lorsqu’il va découvrir l’amour!
 « Conscience de classe » singulièrement tactique : convoque le spectre de la misère pour forcer sa décision. J : dans la traversée des métiers, des uniformes, des apparences : vide de la personnalité ?
Tartuffe, Alceste, Don Juan : hypocrisie constitutive : être calculé et calculateur, aspirerait à la fortune par le mensonge, double jeu, confusion du spirituel et du temporel : caractéristique de la Restauration. « Coquineries nécessaires ». Pourtant Stendhal hostile à la feinte, à la simulation-dissimulation cléricale ou morale : perversion inexcusable de l’humain.
Reprise du thème du faux dévot perdu par les femmes cf la lettre dénonciatrice de Mme de Rênal//prise de pouvoir de Tartuffe dans une famille de dupes. Remonter au XVIIème siècle pour comprendre J : héros d’une énergie « cléricale » : dégradation du sacré devenu moyen de fortune et de séduction. Un Tartuffe sympathique aux lectrices ?
+ Alceste ( Misanthrope) et Don Juan : méditation vivante sur l’art de mentir et de plaire. Misanthrope vertueux (Alceste revu par Rousseau) : révolte, républicain convaincu que la fausseté soutient tout l’édifice social : devenir lui-même l’agent du mensonge universel. J : vrai « haïsseur de l’homme » cf Pirard janséniste opposé aux Jésuites, virtuoses de l’art de plaire. Crises de dégout devant la bassesse, refus de l’autre, du tristement semblable, protestation de sa conscience vertueuse, quête de la solitude absolue : son « désert », la prison.
Don Juan qui fonde tout l’amour sur la conquête, la prise méthodique, fut-il amoureux et aimé. « Théâtre du mensonge «  qui lui fait horreur ; « fourbe sublime », héros de la volonté pure, de la maîtrise de soi utilisée pour la maîtrise des autres// Machiavel, Gracian, Retz, les roués du XVIIIème siècle, « comédien » de Diderot// traitres élisabéthains, Iago, dénonciateur cynique de la fausseté.

Une hypocrisie intéressée ? Serait-il condamné à mentir pour se protéger parce qu’il est faible, exclu ? Fraude et ruse : conduite d’adaptation et de défense. Le masque le laisserait intact, différent de Lorenzaccio de Musset ; pas dupe de ses « coquineries  nécessaires », reste pur : pratiqué le double jeu lucidement comme un « état ». 

J est si mauvais hypocrite qu’il réussit malgré son double jeu. Il finit par l’exhiber comme un projet de tromper : son absence de foi est notoire ( cache davantage son goût de Napoléon que son absence de foi religieuse, ne trompe pas ses directeurs ecclésiastiques : « son roman »= »suite de fausses démarches », d »étourderies » qui l’écartent de la voie droite et simple du mensonge pour arriver. Au séminaire, il choisit un janséniste au lieu d’un membre de la Congrégation. N’a pas le sens intuitif des situations : se trompe sur la réalité, laisse l’impulsion déranger le rôle, naïf dans la feinte.
J n’est pas hypocrite, il fait l’hypocrite : acteur de lui-même fort inégal. Trop d’orgueil pour entrer dans le rôle et trop de spontanéité pour s’asservir à un véritable contrôle de soi : donne le change parfois mais son hypocrisie échoue à masquer l’ardeur de ses désirs et la vigueur de son intelligence. Tout ce qu’il perd en efficacité arriviste, il le gagne en vertu romanesque. Il veut l’imposture et ne la peut pas : cet échec le sauve sur le plan littéraire. Ecart entre son cœur et son état : premier mouvement toujours le bon. Antithèse entre une perversion de l’intention et une fraîcheur d’âme, une bonté naturelle. « Un enfant », ingénu, être neuf et naturel et comme étranger à la corruption et à l’avilissement : « grâce » et charme, « cœur facile à toucher », « âme tendre ». Stendhal : » un jeune homme tendre et honnête, encore empli d’imagination et d’illusion », sensibilité délicate, timidité, attente éperdue d’affection, souhait d’un échange de cœur à cœur. Pas « méchant homme », pas l’être dur et sans scrupules qu’il voudrait représenter. Combat de J contre la société doublé d’un combat contre lui-même.

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