samedi 9 novembre 2019

Le personnage de Julien (suite2) Un ambitieux?


Le personnage de Julien (suite 2)

1.       Un personnage social : pas de déterminisme social, né pauvre, roturier, obscur, il réussit : génie reconnu : souffre dans son amour propre mais les élites ne lui ferment pas les portes. Son mérite indispose mais procure des avancements successifs et spectaculaires : carrière toujours ascendante. Protection féminine et masculine : découverte de nouveaux espaces et milieux : maison du maire, séminaire, cure, évêché, hôtel de la Mole, Paris, Strasbourg, Londres, garnison. Plus le milieu s’élève, mieux il est accueilli : mieux vu de l’archevêque que des séminaristes, de l’aristocratie parisienne que des libéraux et industriels de Verrière, protégé par Frilair, condamné par Valenod : haine de la médiocratie provinciale. Pas un persécuté de la société : reçoit un nom noble en passant de l’église à l’armée par son mariage avec Mathilde.

2.       Le héros ambitieux :
Héros de l’ambition, passion antagoniste de l’amour, qui est l’essence traditionnelle du roman : absolu. Désir de faire fortune « à 20 ans l’idée du monde et de l’effet à y produire l’emporte sur tout » ; ambition : passion non généreuse, un égoïsme et un but, désir « de prendre un état », de s’enrichir, de monter dans l’échelle sociale, voisine du besoin, de l’intérêt, de l’avidité et même de l’appétit cf les séminaristes, doubles inférieurs de julien, vanité calcul servile, pire : l’ambition satisfaite.
Stendhal invente l’ambition comme passion héroïque, absolue. Avidité et besoin sont retournés en générosité. Un héros inclassable : toujours déclassé : l’ambition de s’élever qui n’a pas de terme n’a pas non plus d’origine. Tantôt J est confondu avec l’anonymat des gueux et des misérables, tantôt assimilé à sa fonction de « domestique », parfois roturier, homme du tiers état : prend conscience de sa haine robespierriste contre les nobles et de sa compétition à mort avec eux// camp ennemi : riches, possédants d’une richesse reçue et non conquise. Cf discours : jeunes gens pauvres différents des riches, paysans enrichis, bourgeois indignés alors que J « plébéien révolté » mais son père est riche, quoique charpentier, humilité indélébile du travailleur manuel revendiquée. Arrive au statut de « Monsieur » : Monsieur Julien, Mr Sorel, l’abbé Sorel, M. Le chevalier Julien Sorel de la Vernaye par Mathilde. Importance des dénominations : ex un joli petit prêtre, un petit abbé, un jeune lévite, un jeune prêtre mais « étudiant en théologie », il n’a du prêtre que l’habit et l’air ».

Un jeune homme pauvre ? collectionne les emplois : pbl de tenue et de rôle pour chaque étape de sa carrière : usage théâtral du vêtement, signe social cf les éperons sous la soutane
Fils d’un charpentier riche qui ne lui donne rien, séparé des séminaristes vraiment pauvres, mais doit gagner son pain, travailler pour subsister. Comptabilité obsessionnelle du roman : salaires, économies, se soustraire au besoin cf les six cents francs qu’il offre à l’abbé Pirard. Il repousse l’aisance moyenne qui lui est offerte : mariage avec Elisa, association avec Fouqué comme une tentation de la prudence et de la médiocrité, qui arrêterait son essor ambitieux à un gain, à l’assurance du bien-être.

L’ambition comme passion, pas de quelque chose, certes l’Eglise semble permettre la fortune au sens de richesse : « ce bel état de prêtre qui mène à tout », mais plutôt rêve de pouvoir, gloire, héroïsme : « se faire un nom », faire des choses extraordinaires », rêve de supériorité absolue, de « reconnaissance » qui compenserait son humiliation native. Montée gratuite pour gagner sa propre estime ! Projection dans l’avenir, dans l’espace ouvert et sans terme de l’imagination : nécessaire à l’âme d’artiste de j, s’éteint quand l’esprit de J n’est plus occupé que de l’image de Mathilde ou dans la proximité de la mort. « ivre d’ambition » quand futur époux de Mathilde, père de son fils, il semble calculer l’avenir. L’avancement social est un besoin pour les doubles inférieurs et grotesques de J, les Valenod, séminaristes, Tambeau, Frilair, Fervaques : parvenus ! J en est un parfois ex fascination devant l’élégance de Mathilde mais condamne Rousseau : « laquais parvenu ». Bassesse, obsession jusqu’à la surenchère de sa condition. J n’est jamais tenté de faire oublier sa condition : revendique son indignité devant Mathilde, refuse toute prévenance, la met au défi de le traiter en laquais en feignant d’en être un et la force à s’abaisser elle cf les lettres où il lui rappelle son infériorité. « Parvenu qui ne parvient à rien «  sinon à la gloire de l’échafaud. Se sent intégré à la noblesse en la méprisant. Jamais à genoux ! Son orgueil l’a sauvé de son infériorité première. Il est plus blessé par la grossièreté que par la pauvreté : ambitieux au nom de la délicatesse de son cœur, au nom de la culture et de son éducation de « lisard » : il veut mettre sa place en harmonie avec une noblesse native d’âme. Il s’amoindrirait s’il désirait quelque chose de précis : semble demander réparation d’une insupportable infériorité sociale, se révolte contre « l’horreur du mépris ». Lors du procès, il ne veut pas devoir sa vie aux autres : il va donc mourir dans son état originel de fil de charpentier, annulant tous ses succès et se mettent au-dessus d’eux, au dessus de l’ambition et des ambitieux «  affranchi à la fois du dépit et du défi »

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