Le personnage de Julien (suite 2)
1. Un personnage social : pas de
déterminisme social, né pauvre, roturier, obscur, il réussit : génie
reconnu : souffre dans son amour propre mais les élites ne lui ferment pas
les portes. Son mérite indispose mais procure des avancements successifs et
spectaculaires : carrière toujours ascendante. Protection féminine et
masculine : découverte de nouveaux espaces et milieux : maison du
maire, séminaire, cure, évêché, hôtel de la Mole, Paris, Strasbourg, Londres,
garnison. Plus le milieu s’élève, mieux il est accueilli : mieux vu de
l’archevêque que des séminaristes, de l’aristocratie parisienne que des
libéraux et industriels de Verrière, protégé par Frilair, condamné par
Valenod : haine de la médiocratie provinciale. Pas un persécuté de la
société : reçoit un nom noble en passant de l’église à l’armée par son
mariage avec Mathilde.
2. Le héros ambitieux :
Héros de l’ambition,
passion antagoniste de l’amour, qui est l’essence traditionnelle du
roman : absolu. Désir de faire fortune « à 20 ans l’idée du monde et
de l’effet à y produire l’emporte sur tout » ; ambition :
passion non généreuse, un égoïsme et un but, désir « de prendre un
état », de s’enrichir, de monter dans l’échelle sociale, voisine du
besoin, de l’intérêt, de l’avidité et même de l’appétit cf les séminaristes,
doubles inférieurs de julien, vanité calcul servile, pire : l’ambition
satisfaite.
Stendhal invente
l’ambition comme passion héroïque, absolue. Avidité et besoin sont retournés en
générosité. Un héros inclassable : toujours déclassé : l’ambition de
s’élever qui n’a pas de terme n’a pas non plus d’origine. Tantôt J est confondu
avec l’anonymat des gueux et des misérables, tantôt assimilé à sa fonction de
« domestique », parfois roturier, homme du tiers état : prend
conscience de sa haine robespierriste contre les nobles et de sa compétition à
mort avec eux// camp ennemi : riches, possédants d’une richesse reçue et
non conquise. Cf discours : jeunes gens pauvres différents des riches,
paysans enrichis, bourgeois indignés alors que J « plébéien révolté »
mais son père est riche, quoique charpentier, humilité indélébile du
travailleur manuel revendiquée. Arrive au statut de
« Monsieur » : Monsieur Julien, Mr Sorel, l’abbé Sorel, M. Le
chevalier Julien Sorel de la Vernaye par Mathilde. Importance des
dénominations : ex un joli petit prêtre, un petit abbé, un jeune lévite,
un jeune prêtre mais « étudiant en théologie », il n’a du prêtre que
l’habit et l’air ».
Un jeune homme pauvre ? collectionne les emplois : pbl de
tenue et de rôle pour chaque étape de sa carrière : usage théâtral du
vêtement, signe social cf les éperons sous la soutane
Fils d’un charpentier
riche qui ne lui donne rien, séparé des séminaristes vraiment pauvres, mais
doit gagner son pain, travailler pour subsister. Comptabilité obsessionnelle du
roman : salaires, économies, se soustraire au besoin cf les six cents
francs qu’il offre à l’abbé Pirard. Il repousse l’aisance moyenne qui lui est
offerte : mariage avec Elisa, association avec Fouqué comme une tentation
de la prudence et de la médiocrité, qui arrêterait son essor ambitieux à un
gain, à l’assurance du bien-être.
L’ambition comme passion, pas de quelque chose, certes l’Eglise
semble permettre la fortune au sens de richesse : « ce bel état de
prêtre qui mène à tout », mais plutôt rêve de pouvoir, gloire,
héroïsme : « se faire un nom », faire des choses
extraordinaires », rêve de supériorité absolue, de
« reconnaissance » qui compenserait son humiliation native. Montée
gratuite pour gagner sa propre estime ! Projection dans l’avenir, dans
l’espace ouvert et sans terme de l’imagination : nécessaire à l’âme
d’artiste de j, s’éteint quand l’esprit de J n’est plus occupé que de l’image
de Mathilde ou dans la proximité de la mort. « ivre d’ambition » quand
futur époux de Mathilde, père de son fils, il semble calculer l’avenir.
L’avancement social est un besoin pour les doubles inférieurs et grotesques de J, les Valenod, séminaristes, Tambeau, Frilair, Fervaques :
parvenus ! J en est un parfois ex fascination devant l’élégance de
Mathilde mais condamne Rousseau : « laquais parvenu ». Bassesse,
obsession jusqu’à la surenchère de sa condition. J n’est jamais tenté de faire
oublier sa condition : revendique son indignité devant Mathilde, refuse
toute prévenance, la met au défi de le traiter en laquais en feignant d’en être
un et la force à s’abaisser elle cf les lettres où il lui rappelle son
infériorité. « Parvenu qui ne parvient à rien « sinon à la gloire de
l’échafaud. Se sent intégré à la noblesse en la méprisant. Jamais à
genoux ! Son orgueil l’a sauvé de son infériorité première. Il est plus
blessé par la grossièreté que par la pauvreté : ambitieux au nom de la
délicatesse de son cœur, au nom de la culture et de son éducation de
« lisard » : il veut mettre sa place en harmonie avec une
noblesse native d’âme. Il s’amoindrirait s’il désirait quelque chose de
précis : semble demander réparation d’une insupportable infériorité
sociale, se révolte contre « l’horreur du mépris ». Lors du procès,
il ne veut pas devoir sa vie aux autres : il va donc mourir dans son état
originel de fil de charpentier, annulant tous ses succès et se mettent
au-dessus d’eux, au dessus de l’ambition et des ambitieux « affranchi à
la fois du dépit et du défi »
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