L’amant.
Julien,
l’amant.
J est-il
enfermé dans un piège d’amour-propre, toujours souffrant et en quête de
compensations ?
Il dit
parfois haïr Mme de Rênal « à cause de sa beauté »
(I,7,I13 »,II,8),
à propos de
Danton : apologie de la laideur. Malaise d’un égocentrisme toujours blessé
l’écarte du désir, une sorte de mutilé du cœur.
Héros d’une
société où la passion amoureuse est en baisse : « à vingt ans, l’idée
du monde et de l’effet à y produire l’emporte sur tout »I,11
Atrophie du désir alors que traditionnellement
le roman est l’espace par excellence de la passion amoureuse.
J n’y accède
qu’au prix d’une véritable conversion aux valeurs du cœur.
Des valeurs
épiques de conquête ( cf prise de la main de Mme de Rênal) aux valeurs
mystiques (union des cœur, dimension religieuse de l’amour) J doit
apprendre à aimer, au dépens de l’ambition, de l’orgueil, de la conscience
sociale. Peur de se laisser aller cf I,14 « il avait peur de Mme de Rênal
à cause de sa robe si jolie », peur des sentiments tendres. Moi conquérant
« célibataire » difficilement compatible avec l’amour de l’Autre
absolu.
Intrusion
dans les relations du cœur des relations sociales.
Antagonisme
du désir et de la passion et de la société démocratique pour Stendhal.
Nuits d’amour sans amour avec les deux
femmes : plutôt réponse à un défi, à une décision prise par la volonté,
pas appel à un quelconque plaisir. « victoires » ( sur le danger, sur
soi, sur l’autre), encore un jeu de rôles qui conduit à une froideur et à une
contrefaçon de l’amour.
A Mme de
Rênal, héroïne inactuelle, qui, par son
ignorance, sa réclusion provinciale et familiale a gardé intégralement les
trésors d’une tendresse romanesque, s’opposent Julien qui la conquiert sans
l’aimer, par dédommagement de son orgueil frustré et Mathilde, héroïne moderne
et parisienne, bel exemple de la femme sans cœur, incarnant le narcissisme
féminin dénué de tendresse. « agace » J, aime parce qu’elle n’est pas
aimée ; amour véritable seulement entre Mme de Rênal et J en prison !
Avant
entrelacement de l’émotion amoureuse et de l’hostilité sociale qui rejette la
femme « dans le camp ennemi ».
Il est sans
amour quand il entreprend de saisir la main de Mm de Rênal, parce qu’elle l’a
retirée, il est sans amour quand il se rend à la convocation de Mathilde pour
cette nuit d’amour truquée où les deux amants obéissent à d’autres motifs que
le désir ou la passion.
Séduction de
Mme de Rênal perçue comme une tâche, un devoir, un signe de courage : rendez-vous
d’amour = épreuve héroïque, contrainte que le héros serait presque heureux
d’éviter.(I,8 ,9,13,14,15,16,30) Amour ressenti comme une faiblesse.
Mathilde :
lui déplaît, froideur et mépris : II,2,3,8, regard social qui voit en elle
plutôt la grande dame : cf être l’égal du fiancé noble de Croisenoix. Revanche sociale :
pervertit le cœur de J
Quelques
fois, prise de conscience de l’amour en I : « elle a beau être
noble et moi fils d’ouvrier, elle m’aime »I,16 mais outrager les riches et
M de rênal fait du geste amoureux le geste d’un inférieur obsédé de revanche. =
encore avec Mathilde : rivalité ave les autres jeunes gens qui fréquentent
l’hôtel de la Môle. Cf « Moi, pauvre paysan, j’ai donc une déclaration
d’amour d’une grande dame »II,13 vanité :
vaincre les autres en possédant Mathilde. Mais amour-propre survolté de
l’ambitieux aimé par une femme noble favorise la passion : grandi à ses
propres yeux, J s’admire d’être aimé : I,16,19,30 cf « son amour était encore de
l’ambition…ne semblait vivre que de surprise et de ravissement d’amour
propre » II,16,19 : » le rang de sa maîtresse semblait l’élever
au-dessus de lui-même »
Mme de Rênal
lui apprendra cependant le véritable amour qui est désappropriation de
soi : elle sacrifie presque sa foi, J se croyant aimé, « il l’en aima
davantage », son sacrifice fait qu’il va « l’adorer », jamais le
cas avec Mathilde : amour=guerre.
Mathilde
cherche le défi, sa propre « gloire », imprégnée de lectures et de
modèles héroïques : elle s’honore en se déshonorant ! Sorte de double
de Julien. Côté viril de Mathilde. Voulant un amant qui serait « un
maître » et révoltée contre son triomphateur, image inversée de J :
elle veut descendre alors qu’il veut monter ! Amour pénétré de modèles
littéraires : princesse amoureuse d’un homme qui lui est inférieur. Amour
et haine mêlées. Combat de deux amours propres en apparence intraitables et
dominateurs et secrètement fragiles et tributaires l’un de l’autre. Elle ne
peut aimer que celui qui en l’humiliant lui aura prouvé sa supériorité sur
elle. J se distingue des autres par sa distance, son refus des valeurs
nobiliaires, son indifférence. Elle qui méprise tout le monde aime qui la
méprise ! J ne devient digne d’être aimé à ses yeux qu’en retrouvant son
ascendant par la menace cf la vieille épée ou son énergie cf l’invasion de la
chambre de Mathilde. Cf soumission en mutilant sa chevelure. Mais miroir de J
qui connaît sa plus grande crise quand Mathilde le rejette : haine de
lui-même. Jamais d’abdication du Moi dans leur relation alors que le véritable
amour est reconnaître que le moi n’existe pas sans l’autre.
Nécessité
pour restaurer le moi humilié par Mathilde de l’humilier à son tour cf la
séduction par lettres de Mme de Fervaques : retour de la passion. Amour
étrange où les amants ne semblent jamais pouvoir se montrer d’amour ensemble.
Mathilde pas héroïne de l’amour, héroïne tout court. Allant au bout de son
personnage, elle entraine Julien dans une ascension héroïque où ils
reproduisent le couple ancestral De Boniface de la Môle et de Marguerite de
Navarre.
Mais devenu
Boniface en prison, J découvre que la relation avec Mathilde est une
« fausse passion » et découvre le pur amour , délivré du souci d’en
imposer aux autres, avec Mme de Rênal.
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