Alors que du
plus loin de notre culture, le poème tragique des Grecs nous parle de
“catharsis”, de purification des crimes odieux –matricide, inceste,
parricide-par le biais du théâtre qui nous libèreraient de nos monstruosités,
en danse, musique et chants savamment articulés, déjà la poésie- en présence
même des dieux, alors que le Romantisme nous avait convaincu des bénéfices de
la poésie qui parviendrait à apaiser notre douleur d’être au monde par le chant
lyrique du poème, des voix dissonantes se sont fait entendre. Hölderlin, à la
fin du XVIIIème siècle, se demandait déjà “pourquoi des poètes en ces temps de
détresse” et plus proche de nous, celle du philosophe Adorno qui après
Auschwitz nie la possibilité même de l’existence d’un poème, comme si les pouvoirs
de la poésie avaient petit à petit été mis en doute jusqu’à la négation même.
Que peut la poésie?
Il s’agira donc examiner d’abord ce qui a valu à la poésie la croyance en d’extraordinaires pouvoirs, puis les causes de leur remise en question afin d’observer ce qui subsiste de cette force peut-être paradoxale de la poésie dans la société et la littérature d’aujourd’hui.
La poésie a été pendant des siècles le genre littéraire le plus reconnu, le plus valorisé. On a parlé de lui en termes du Haut Dire; le poète, élu des dieux, se faisait “vates”, expression de la parole divine que les dieux lui transmettaient afin qu’à son tour, il se fasse écho auprès des hommes.
Le poète est l’homme du lien vertical et horizontal comme en témoigne encore dans les sociétés africaines l’importance du griot, personnage à la fois sacré, écarté du groupe, à part, et en même temps garant de la cohésion sociale car il sait les lignées, les héritages, les associations matrimoniales et les fêtes qui chantent la vie du groupe dont il est aussi la vivante mémoire.
Il est clair que la poésie par les procédés de composition qui la caractérisent: jeu sur les sonorités, rythmes, accompagnement musical, souvent images percutantes, anaphores et refrains, échos, rimes s’est vue attribuée le pouvoir de souder la communauté humaine. C’était la fonction par exemple des grandes épopées qui racontent à la fois le rapport des hommes aux dieux et entre eux en illustrant les valeurs qui ont cours dans une société donnée. Ulysse incarne la “métis”, la ruse des Grecs aussi indispensable comme on le voit lors de son rôle pendant la Guerre de Troie que la bravoure guerrière représentée par le bouillant Achilles dans l’Iliade. Ces grands textes n’ont pas été appelés pour rien des textes fondateurs: ils fondent des civilisations et des cultures, rassemblant dans le bonheur toujours réitéré de leur oralité qui plaît à l’écoute, histoires des origines que nul n’ignore et qui créé le sentiment du partage de l’espace commun à chaque écoute. L’histoire d’Orphée réunissant autour de lui les hommes, les animaux, toute la nature par son chant sublime confirme cette croyance en une vertu quasi religieuse de la poésie, art qui relie; même les pierres sont émues, et plus tard dans le mythe, les dieux inflexibles des Enfers se laisseront fléchir par les accents pathétiques du poète affecté par la mort de son épouse. Incroyable privilège du poète que celui de descendre vivant au royaume des ombres!
Ce qui nous amène à évoquer un autre des pouvoirs de la poésie, celui d’arracher la vie à la mort. la poésie est bien souvent conçue comme un "monument" au sens étymologique du terme, le lieu où l’ajointement des mots permet de recréer et de conserver une présence qui sans le poème serait définitivement perdue. Le souvenir de Léopoldine perdure pour des générations de Français dans le célèbre “Demain, dès l’aube...” de Hugo en lequel chacun peut reconnaître le sort de l’humanité pleurant ses morts chéris à partir de la singularité même des protagonistes, connus de tous, le célèbre poète et sa fille tragiquement disparue. Dans “A une passante”, Baudelaire parvient à rendre éternelle l’émouvante inconnue, figure longiligne et si moderne de cette endeuillée, saisissante, rencontrée au milieu de la cacophonie urbaine et l’instant du coup de foudre : “Et moi, crispé comme un extravagant, je buvais dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan, la douceur qui fascine et le plaisir qui tue”. Apollinaire, porte-parole pour nous de tous les poètes élégiaques, ne dit pas sans raison que chacun de ses poèmes est la commémoration d’un événement de sa vie et la dimension autobiographique du lyrisme de “Zone” ou de “la chanson du mal aimé”, les nombreuses allusions dans Alcools à Annie Playden ou encore plus Marie Laurencin le prouvent; le poète travaille à partir de ses émotions et cherche à en retirer la quintessence de telle sorte que tout un chacun puisse se reconnaître et vivre à son tour l’intensité de l’instant au moment de la lecture, car le poème cherche à recréer des sensations, des sentiments, des états émotionnels que le lecteur puisse expérimenter physiquement autant qu’intellectuellement.
Même les Parnassiens si réticents apparemment à la plainte lyrique et aux complaisances de l’épanchement égotistes voient dans le poème, un objet raffiné suffisamment travaillé pour braver le temps. Dans “L’art”, Gautier lorsqu’il compare le poète au sculpteur du marbre, n’écrit-il pas que “le buste survit à la cité”, le bijou du poème, s’il a suffisamment été ouvragé, contient en lui l’espoir de durer plus que l’artisan habile.
Echapper à la finitude, tel est le rêve du poète, à l’instar de beaucoup d’artistes. Parce que la poésie vise à suggérer des sensations, des émotions, à les évoquer avec suffisamment d’efficacité pour qu’elles se transmettent physiquement au lecteur, elle paraît, plus que d’autres arts, apte à cette résurrection des instants éphémères, heureux ou malheureux de l’existence humaine. Parce que souvent son énonciation requiert les pronoms labiles de première et deuxième personne, qui, en même temps qu’ils renvoient à une situation de communication unique et précise, tendent ensuite à l’universalité absolue, cette appropriation du poème par le lecteur et cette intériorisation du dire et de l’adresse, donnent l’impression d’une vie toujours renouvelée, d’un présent indéfiniment recommençable à chaque lecture et par chaque lecteur différent. Lisez “Sensation” de Rimbaud et vous ferez vôtres les sensations du jeune poète, “picoté par les blés, foulant l’herbe menue, heureux dans la nature comme avec une femme”.
Cette croyance dans la capacité de la poésie à rendre la présence explique pourquoi elle est considérée comme apte à célébrer notre rapport au monde, à en montrer la beauté et la richesse. C’est ce dont un poème comme “sensation” témoigne, de l’euphorie des sens, de la jeunesse en accord avec la nature et le temps présent. C’est ce que Rimbaud parvient à rendre aussi dans un poème comme ‘ma Bohème” ou Baudelaire dans “un hémisphère dans une chevelure”: comment un élément de la création, la chevelure d’une femme, par la vertu des sens et de l’universelle analogie, peut nous ouvrir à un monde fictif mais profondément ressenti, plein d’odeurs et de caresses, à des paysages exotiques, à des images d’abondance et d’ivresses sensuelles.
La poésie déroule devant nos yeux les fastes de la nature mais aussi depuis le milieu du XIXème siècle de l’espace urbain et montre combien c’est par elle que nous apprivoisons nos lieux de vie et de passage, c’est par le chant des poètes que nous voyons belle la nature, la ville, non pas indifférente et lointaine, détachée de nous, mais offerte à notre séjour, objet d’une relation que les mots du poète construisent dans son éloge ou sa fiction. L’on sait qu’il a fallu le Romantisme pour que la nature soit considérée comme belle et capable de refléter l’âme humaine. Mme de Sévigné encore, durant ses pérégrinations, refusait de regarder l’horrible et inquiétante forêt et fermait les rideaux de sa calèche.
La lecture de poèmes oriente notre regard: après avoir lu Alcools d’Apollinaire, l’on ne saurait plus regarder la Rhénanie, les vignes, le Rhin, les colchiques, les cerisiers de mai qu’avec les yeux de l’amant délaissé et malheureux, et l’on peut en dire autant de la Seine ou de la jolie rue des Ternes de “Zone”, du Pont Mirabeau à Paris. Le réel en soi ne nous dit rien, nous avons besoin des mots du poète pour qu’il nous devienne familier. Les poèmes écrits à Hanoi à partir de la consigne d’écriture “L’Heure où...” de Jacques Roubaud définitivement célèbrent la singularité de la capitale vietnamienne et du point de vue de chacun des élèves qui s’est prêté au jeu. La vérité d’Hanoi surgit des textes en même temps que la personnalité de chaque rédacteur et, du coup, notre espace quotidien en paraît plus vivant. Sans le langage, et la poésie est le souci de la justesse et de la précision du langage poussé à son point de perfection, nous ne serions pas vraiment au monde comme en témoigne le poème d’Alain Bosquet intitulé, “Utilité du Poète”:
“Elle a besoin de moi pour devenir la rose,
La rose. Et la jument, pour se faire jument,
Me demande une forme endormie dans mon verbe.
Et l’arbre sait que l’arbre est d’abord manuscrit,
Comme l’azur, qui par décret de ma légende,
Est un azur heureux et légitime. Et l’eau
S’abreuve d’eau plus fraîche, au bord de l’écriture”
Dans la mesure où la poésie nous donne le pouvoir d’exprimer notre rapport au monde et les émotions qu’il procure, il est évident qu’elle peut aussi nous donner l’occasion d’exprimer nos révoltes et nos convictions. Ses procédés, de plus, par leurs qualités mnémotechniques, par la brièveté de la plupart des formes poétiques, le caractère crypté de ses figures de style, permettent qu’elle soit mise au service de l’argumentation et de la diffusion de causes politiques ou sociales. Ce que l’on a appelé la poésie engagée révèle que parmi les pouvoirs dont elle est dotée la capacité d’éveiller les consciences et d’inciter à l’action n’est pas la moindre.
Au XVIème siècle déjà, pendant les guerres de religion, la voix d”Agrippa d’Aubigné, poète protestant, s’élève contre l’horreur d’un conflit fratricide par le biais d’un poème allégorique d’une grande beauté: “Je veux peindre la France une mère affligée” que deux jumeaux- les catholiques et les réformés- déchirent et contraignent à la malédiction.
Plus tard certains des poètes romantiques se verront comme des guides du peuple, des mages, voyants, prophètes de l’avenir, la lampe au front, comme Hugo dans le poème intitulé” Fonction du poète” avec un sentiment très fort de leur importance sociale et de la nécessité de mettre leur art et leur vision au service de la cité: Hugo va s’insurger contre le travail des enfants dans ‘Mélancholia”, lutter en faveur de la nécessité de l’instruction pour limiter la délinquance et contre la peine de mort, indigne d’une société civilisée. Il écrira Les Châtiments, véritable brûlot contre Napoléon le Petit, recueil dans lequel des poèmes de second plan, pure propagande et injures, voisineront avec d’indéniables réussites comme le poème la Nuit du 4” où Hugo relate en maniant à merveille le registre pathétique la mort d’un enfant innocent pleuré par sa pieuse grand-mère, mise au compte du coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte , la mort de l’enfant étant mise en parallèle scandaleux avec les fastes du régime.
A chaque période funeste de l’histoire, quand la liberté est menacée et les valeurs de la France, des poètes ont fait le choix de l’engagement et ont mis au service de la cause à défendre leur talent de plume. Les surréalistes qui choisirent tous la résistance active ou l’exil ont changé leur pratique de l’écriture pour se rendre accessibles au plus grand nombre et entretenir par des poèmes clandestins l’esprit de fierté nationale et de résistance passive ou active à l’occupant nazi. Desnos écrit “ce coeur qui haïssait la guerre” pour montrer que, durant l’invasion, le pacifisme n’est plus de mise. Aragon prend fait et cause pour les otages suppliciés dans “L’affiche rouge”, Kessel participe à l’écriture du chant des partisans. Plus près de nous encore d’autres poètes feront rimer chant de révolte et célébration de la langue française, je veux parler des poètes de la négritude tels Aimé Césaire et Leopold Sedar Senghor qui dans Cahier d’un retour au pays natal ou Les Ethiopiques vont développer des thèmes anticoloniaux et de promotion de leur culture originelle avec les armes de ceux qu’ils considèrent comme des oppresseurs, à savoir la langue et la culture française dont ils sont des fleurons.
La poésie comme vecteur de toutes les émotions et chants de rassemblement est particulièrement apte à faire ressentir les souffrances et revendications humaines, c’est ainsi qu’aujourd’hui le succès du slam réside en partie dans le fait que ce mode d’expression poétique- puisqu’il associe travail sur la langue, le rythme et les images- permet l’expression frappante des histoires et émotions singulières de ceux qui se sentent exclus des cercles de la culture officielle, marges, banlieues, quartiers défavorisés, même si par ailleurs de nombreux poètes oralisent leur textes avec bonheur dans des récitals de poésie depuis bien avant la mode du slam issu des USA.
Il s’agira donc examiner d’abord ce qui a valu à la poésie la croyance en d’extraordinaires pouvoirs, puis les causes de leur remise en question afin d’observer ce qui subsiste de cette force peut-être paradoxale de la poésie dans la société et la littérature d’aujourd’hui.
La poésie a été pendant des siècles le genre littéraire le plus reconnu, le plus valorisé. On a parlé de lui en termes du Haut Dire; le poète, élu des dieux, se faisait “vates”, expression de la parole divine que les dieux lui transmettaient afin qu’à son tour, il se fasse écho auprès des hommes.
Le poète est l’homme du lien vertical et horizontal comme en témoigne encore dans les sociétés africaines l’importance du griot, personnage à la fois sacré, écarté du groupe, à part, et en même temps garant de la cohésion sociale car il sait les lignées, les héritages, les associations matrimoniales et les fêtes qui chantent la vie du groupe dont il est aussi la vivante mémoire.
Il est clair que la poésie par les procédés de composition qui la caractérisent: jeu sur les sonorités, rythmes, accompagnement musical, souvent images percutantes, anaphores et refrains, échos, rimes s’est vue attribuée le pouvoir de souder la communauté humaine. C’était la fonction par exemple des grandes épopées qui racontent à la fois le rapport des hommes aux dieux et entre eux en illustrant les valeurs qui ont cours dans une société donnée. Ulysse incarne la “métis”, la ruse des Grecs aussi indispensable comme on le voit lors de son rôle pendant la Guerre de Troie que la bravoure guerrière représentée par le bouillant Achilles dans l’Iliade. Ces grands textes n’ont pas été appelés pour rien des textes fondateurs: ils fondent des civilisations et des cultures, rassemblant dans le bonheur toujours réitéré de leur oralité qui plaît à l’écoute, histoires des origines que nul n’ignore et qui créé le sentiment du partage de l’espace commun à chaque écoute. L’histoire d’Orphée réunissant autour de lui les hommes, les animaux, toute la nature par son chant sublime confirme cette croyance en une vertu quasi religieuse de la poésie, art qui relie; même les pierres sont émues, et plus tard dans le mythe, les dieux inflexibles des Enfers se laisseront fléchir par les accents pathétiques du poète affecté par la mort de son épouse. Incroyable privilège du poète que celui de descendre vivant au royaume des ombres!
Ce qui nous amène à évoquer un autre des pouvoirs de la poésie, celui d’arracher la vie à la mort. la poésie est bien souvent conçue comme un "monument" au sens étymologique du terme, le lieu où l’ajointement des mots permet de recréer et de conserver une présence qui sans le poème serait définitivement perdue. Le souvenir de Léopoldine perdure pour des générations de Français dans le célèbre “Demain, dès l’aube...” de Hugo en lequel chacun peut reconnaître le sort de l’humanité pleurant ses morts chéris à partir de la singularité même des protagonistes, connus de tous, le célèbre poète et sa fille tragiquement disparue. Dans “A une passante”, Baudelaire parvient à rendre éternelle l’émouvante inconnue, figure longiligne et si moderne de cette endeuillée, saisissante, rencontrée au milieu de la cacophonie urbaine et l’instant du coup de foudre : “Et moi, crispé comme un extravagant, je buvais dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan, la douceur qui fascine et le plaisir qui tue”. Apollinaire, porte-parole pour nous de tous les poètes élégiaques, ne dit pas sans raison que chacun de ses poèmes est la commémoration d’un événement de sa vie et la dimension autobiographique du lyrisme de “Zone” ou de “la chanson du mal aimé”, les nombreuses allusions dans Alcools à Annie Playden ou encore plus Marie Laurencin le prouvent; le poète travaille à partir de ses émotions et cherche à en retirer la quintessence de telle sorte que tout un chacun puisse se reconnaître et vivre à son tour l’intensité de l’instant au moment de la lecture, car le poème cherche à recréer des sensations, des sentiments, des états émotionnels que le lecteur puisse expérimenter physiquement autant qu’intellectuellement.
Même les Parnassiens si réticents apparemment à la plainte lyrique et aux complaisances de l’épanchement égotistes voient dans le poème, un objet raffiné suffisamment travaillé pour braver le temps. Dans “L’art”, Gautier lorsqu’il compare le poète au sculpteur du marbre, n’écrit-il pas que “le buste survit à la cité”, le bijou du poème, s’il a suffisamment été ouvragé, contient en lui l’espoir de durer plus que l’artisan habile.
Echapper à la finitude, tel est le rêve du poète, à l’instar de beaucoup d’artistes. Parce que la poésie vise à suggérer des sensations, des émotions, à les évoquer avec suffisamment d’efficacité pour qu’elles se transmettent physiquement au lecteur, elle paraît, plus que d’autres arts, apte à cette résurrection des instants éphémères, heureux ou malheureux de l’existence humaine. Parce que souvent son énonciation requiert les pronoms labiles de première et deuxième personne, qui, en même temps qu’ils renvoient à une situation de communication unique et précise, tendent ensuite à l’universalité absolue, cette appropriation du poème par le lecteur et cette intériorisation du dire et de l’adresse, donnent l’impression d’une vie toujours renouvelée, d’un présent indéfiniment recommençable à chaque lecture et par chaque lecteur différent. Lisez “Sensation” de Rimbaud et vous ferez vôtres les sensations du jeune poète, “picoté par les blés, foulant l’herbe menue, heureux dans la nature comme avec une femme”.
Cette croyance dans la capacité de la poésie à rendre la présence explique pourquoi elle est considérée comme apte à célébrer notre rapport au monde, à en montrer la beauté et la richesse. C’est ce dont un poème comme “sensation” témoigne, de l’euphorie des sens, de la jeunesse en accord avec la nature et le temps présent. C’est ce que Rimbaud parvient à rendre aussi dans un poème comme ‘ma Bohème” ou Baudelaire dans “un hémisphère dans une chevelure”: comment un élément de la création, la chevelure d’une femme, par la vertu des sens et de l’universelle analogie, peut nous ouvrir à un monde fictif mais profondément ressenti, plein d’odeurs et de caresses, à des paysages exotiques, à des images d’abondance et d’ivresses sensuelles.
La poésie déroule devant nos yeux les fastes de la nature mais aussi depuis le milieu du XIXème siècle de l’espace urbain et montre combien c’est par elle que nous apprivoisons nos lieux de vie et de passage, c’est par le chant des poètes que nous voyons belle la nature, la ville, non pas indifférente et lointaine, détachée de nous, mais offerte à notre séjour, objet d’une relation que les mots du poète construisent dans son éloge ou sa fiction. L’on sait qu’il a fallu le Romantisme pour que la nature soit considérée comme belle et capable de refléter l’âme humaine. Mme de Sévigné encore, durant ses pérégrinations, refusait de regarder l’horrible et inquiétante forêt et fermait les rideaux de sa calèche.
La lecture de poèmes oriente notre regard: après avoir lu Alcools d’Apollinaire, l’on ne saurait plus regarder la Rhénanie, les vignes, le Rhin, les colchiques, les cerisiers de mai qu’avec les yeux de l’amant délaissé et malheureux, et l’on peut en dire autant de la Seine ou de la jolie rue des Ternes de “Zone”, du Pont Mirabeau à Paris. Le réel en soi ne nous dit rien, nous avons besoin des mots du poète pour qu’il nous devienne familier. Les poèmes écrits à Hanoi à partir de la consigne d’écriture “L’Heure où...” de Jacques Roubaud définitivement célèbrent la singularité de la capitale vietnamienne et du point de vue de chacun des élèves qui s’est prêté au jeu. La vérité d’Hanoi surgit des textes en même temps que la personnalité de chaque rédacteur et, du coup, notre espace quotidien en paraît plus vivant. Sans le langage, et la poésie est le souci de la justesse et de la précision du langage poussé à son point de perfection, nous ne serions pas vraiment au monde comme en témoigne le poème d’Alain Bosquet intitulé, “Utilité du Poète”:
“Elle a besoin de moi pour devenir la rose,
La rose. Et la jument, pour se faire jument,
Me demande une forme endormie dans mon verbe.
Et l’arbre sait que l’arbre est d’abord manuscrit,
Comme l’azur, qui par décret de ma légende,
Est un azur heureux et légitime. Et l’eau
S’abreuve d’eau plus fraîche, au bord de l’écriture”
Dans la mesure où la poésie nous donne le pouvoir d’exprimer notre rapport au monde et les émotions qu’il procure, il est évident qu’elle peut aussi nous donner l’occasion d’exprimer nos révoltes et nos convictions. Ses procédés, de plus, par leurs qualités mnémotechniques, par la brièveté de la plupart des formes poétiques, le caractère crypté de ses figures de style, permettent qu’elle soit mise au service de l’argumentation et de la diffusion de causes politiques ou sociales. Ce que l’on a appelé la poésie engagée révèle que parmi les pouvoirs dont elle est dotée la capacité d’éveiller les consciences et d’inciter à l’action n’est pas la moindre.
Au XVIème siècle déjà, pendant les guerres de religion, la voix d”Agrippa d’Aubigné, poète protestant, s’élève contre l’horreur d’un conflit fratricide par le biais d’un poème allégorique d’une grande beauté: “Je veux peindre la France une mère affligée” que deux jumeaux- les catholiques et les réformés- déchirent et contraignent à la malédiction.
Plus tard certains des poètes romantiques se verront comme des guides du peuple, des mages, voyants, prophètes de l’avenir, la lampe au front, comme Hugo dans le poème intitulé” Fonction du poète” avec un sentiment très fort de leur importance sociale et de la nécessité de mettre leur art et leur vision au service de la cité: Hugo va s’insurger contre le travail des enfants dans ‘Mélancholia”, lutter en faveur de la nécessité de l’instruction pour limiter la délinquance et contre la peine de mort, indigne d’une société civilisée. Il écrira Les Châtiments, véritable brûlot contre Napoléon le Petit, recueil dans lequel des poèmes de second plan, pure propagande et injures, voisineront avec d’indéniables réussites comme le poème la Nuit du 4” où Hugo relate en maniant à merveille le registre pathétique la mort d’un enfant innocent pleuré par sa pieuse grand-mère, mise au compte du coup d’état de Louis Napoléon Bonaparte , la mort de l’enfant étant mise en parallèle scandaleux avec les fastes du régime.
A chaque période funeste de l’histoire, quand la liberté est menacée et les valeurs de la France, des poètes ont fait le choix de l’engagement et ont mis au service de la cause à défendre leur talent de plume. Les surréalistes qui choisirent tous la résistance active ou l’exil ont changé leur pratique de l’écriture pour se rendre accessibles au plus grand nombre et entretenir par des poèmes clandestins l’esprit de fierté nationale et de résistance passive ou active à l’occupant nazi. Desnos écrit “ce coeur qui haïssait la guerre” pour montrer que, durant l’invasion, le pacifisme n’est plus de mise. Aragon prend fait et cause pour les otages suppliciés dans “L’affiche rouge”, Kessel participe à l’écriture du chant des partisans. Plus près de nous encore d’autres poètes feront rimer chant de révolte et célébration de la langue française, je veux parler des poètes de la négritude tels Aimé Césaire et Leopold Sedar Senghor qui dans Cahier d’un retour au pays natal ou Les Ethiopiques vont développer des thèmes anticoloniaux et de promotion de leur culture originelle avec les armes de ceux qu’ils considèrent comme des oppresseurs, à savoir la langue et la culture française dont ils sont des fleurons.
La poésie comme vecteur de toutes les émotions et chants de rassemblement est particulièrement apte à faire ressentir les souffrances et revendications humaines, c’est ainsi qu’aujourd’hui le succès du slam réside en partie dans le fait que ce mode d’expression poétique- puisqu’il associe travail sur la langue, le rythme et les images- permet l’expression frappante des histoires et émotions singulières de ceux qui se sentent exclus des cercles de la culture officielle, marges, banlieues, quartiers défavorisés, même si par ailleurs de nombreux poètes oralisent leur textes avec bonheur dans des récitals de poésie depuis bien avant la mode du slam issu des USA.
L’on ne peut donc nier que la poésie possède des pouvoirs, une forme d’efficacité reconnue dans les différents domaines développés: lier les hommes entre eux, célébrer l’espace qui nous est échu, l’apprivoiser, lutter contre la finitude et la mort, éveiller les consciences endormies. La puissance du verbe ne saurait purement être effacée, mais alors qu’est-ce qui a entraîné une suspicion quant à cette efficacité, ce potentiel de la poésie? Pourquoi avoir douté de ses pouvoirs?
Déjà Hölderlin en ce siècle de Révolution qui voit s’écrouler l’ordre d’un monde témoigne d’un “à quoi bon” de la poésie, le poète touché par l’aile du divin n’est plus le héros de la nouvelle époque, les dieux se sont retirés. Le héros prométhéen qui s’avance est humain, conquérant, guerrier. Napoléon n’est pas poète. Dans les temps de conflit, de manque du nécessaire, de disette n’est-il pas indécent pour les poètes de réclamer l’attention? D’autres préoccupations semblent plus urgentes.
Pendant le XIXème siècle, si les Romantiques semblent confiants en une mission sociale du poète, éclaireur des foules ignorantes , à la manière de Hugo, dès le milieu du siècle, les choses changent. L’oeuvre de Baudelaire témoigne de cette perte de foi dans les pouvoirs salvateurs de la poésie qui se voit supplantée par le roman et qui semble plus apte à dire les tourments d’un coeur qui constate son inadaptation au monde entrain d’évoluer vers l’industrialisation, l’urbanisation, la massification que d’agir sur lui, de le magnifier.
Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal rêve d’un Ailleurs pour échapper au Spleen, recourt aux paradis artificiels et préconisent toutes les ivresses; marginal, il se voit comme un albatros, prince dans l’azur mais martyrisé au sol par des marins peu amènes, les destructions du vieux Paris l’alarment. Ne dit-il pas de lui qu’il est “une cloche fêlée”? Il n’est plus capable de croire que la poésie puisse appeler au rassemblement et à la célébration. Même sil rêve encore de transformer “la boue en or” dans un processus alchimique réinventé lorsqu’il choisit le poème en prose pour essayer de capter l’essence de son temps, c’est plus souvent le registre de la raillerie, de la satire qui apparaît que celui de l’éloge. Il les emploie pour dire un monde dominé par l’appât du gain comme dans “la Fausse Monnaie” où il dénonce la posture hypocrite d’un homme qui se prétend roué de gruger un mendiant en lui faisant l’aumône d’une fausse pièce, voulant gagner à la fois une image altruiste et conserver son bien. Il se voit lui-même sous les oripeaux d’un “vieux saltimbanque” abandonné par la foule du public, inepte et sans coeur, il s’en prend au “mauvais vitrier”, lui aussi image possible du poète, parce qu’il ne sait pas “faire voir le monde en couleurs”.
N’était-ce pas là la traditionnelle mission de la poésie, d’enchanter le monde, de le faire voir en beau, or la modernité selon Baudelaire qui demande à ce que l’on capte l’essence d’une époque tout en recherchant la forme esthétique adéquate qui puisse la faire perdurer- et c’est là le travail de l’artiste authentique selon lui- fait voir la misère sociale, les écarts entre les classes, la misère morale aussi: prostitution, jeu, rivalité, solitude, le malheur du vieillissement des corps, des esprits et même des villes, la hantise de la maladie , de l’abandon et de la mort. Pourtant Baudelaire lutte encore contre son mal-être existentiel, un “ à quoi bon” qui aurait pu définitivement tarir la source de son inspiration. Il rebondit en en faisant son projet artistique: extraire la beauté du mal, ultime provocation.
Rimbaud lui renoncera à la poésie, à la voyance, à la recherche de “l’inconnu par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens”, il semble ne plus croire aux illuminations, aux merveilles que la poésie peut créer comme s’il s’agissait d’illusions et préfère devenir une “main à charrue” plutôt que de demeurer “une main à plume”, et s’en aller, voyager, travailler parce qu’il y a “la réalité rugueuse à étreindre”, comme si les pouvoirs de la poésie n’étaient que des mythes, des croyances erronées de la jeunesse.
Quand le poète est plus sensible aux dissonances du monde qu’à sa magie, il peut avoir le sentiment que sa poésie, qui les dénonce pourtant et vise à l’éveil des consciences, les redouble, en fait!
Le spectacle traumatisant d’une guerre, de l’injustice, de la mort peut être à l’origine d’un acte créateur comme s’il devait exorciser ce qu’a vécu l’artiste mais l’oeuvre renchérit sur le malheur du temps. Dans le premier livre des Tragiques intitulés “Misères”, Agrippa D’Aubigné multiplie les visions d’horreur qui sont celles de la guerre d’alors et de toujours:
“Là de mille maisons on ne trouve que feux,
Que charognes, que morts ou visages affreux.
La faim va devant moi, force est que je la suive...”
Que fait d’autre le poème que refléter l’horreur de la réalité vécue par le poète. L’on peut comprendre que la poésie puisse alors apparaître comme impuissante, car son témoignage, son exorcisme même par la beauté avec laquelle elle peut dénoncer l’abominable, paraissent vains devant la tâche à accomplir dans le réel pour faire cesser la violence et résoudre les problèmes.
D’où finalement la conviction de certains qu’il vaut mieux se taire qu’ajouter de la souffrance à la souffrance, que les mots doivent aller vers le silence, l’émiettement, la fragmentation pour dire l’impossible expression de la détresse. Les textes trop travaillés aux rythmes allants, à la syntaxe complexe et liée, mentent en ce qu’ils réparent ce qui se délite, se troue, s’absente, disparaît en fumée et l’on peut mieux saisir alors la portée de l’injonction d”Adorno, même si le propos a été sorti du contexte de pensée et radicalisé, de l’impossibilité du poème après Auschwitz, parce que la notion de “poème” renvoie à un texte travaillé selon l’art du langage, musique et figures, qui témoigne d’une humanité civilisée capable d’oeuvrer pour la beauté en totale opposition avec celle qui s’est révélée capable d’ourdir un projet de mort massive, d’organiser et réaliser un processus de destruction de tout un peuple de façon très sophistiquée et au seul motif que ce peuple était juif! Adorno ne veut pas que la poésie rédime l’humanité qui a permis Auchwitz, que l’on puisse revenir à un avant comme si de rien n’était, que l’on puisse “chanter” pour ceux qui n’ont même pas eu droit au chant des morts,”chanter ceux que l’on a tué sans vergogne est une imposture.C’est pourquoi il conçoit le fait d’écrire des poèmes comme un prolongement de la barbarie perpétrée. La culture, le sens esthétique n’ont servi de rien pour empêcher le processus d’extermination industriel, et même l’on jouait de la musique dans les camps d’extermination! Tout, du coup, est entaché d’inhumanité.
Au comble du mal dont l’humanité a été capable devait donc répondre le silence, car l’on ne voit pas comment ce mal pourrait être exorcisé par un poème; le silence des hommes, après le silence de Dieu, paraît la seule réponse cohérente. Robert Antelme, dans l’Espèce Humaine, qui raconte l’expérience de sa déportation, écrit qu’au moment de sa réadaptation à la vie après les camps :” il (lui) paraissait impossible de combler la distance qu’il découvrait entre le langage dont il disposait et cette expérience qu’il était encore entrain de poursuivre dans son corps”. Il n’y a pas de mots, c’est proprement inimaginable.
Comment avec ce “sans mots”, avec un langage qui paraît totalement inadéquat écrire des poèmes, non seulement sur les camps eux-mêmes et sur le vide de l’absence des disparus, mais sur une humanité qui a porté en son sein un projet inhumain et l’a réalisé, inscrivant au coeur de la notion d’humanité sa capacité à être autre qu”elle-même, inhumaine. La poésie est trop humaine!
Or la réponse est venue de l’un des poètes touché au plus près par la Shoah, un survivant Paul Celan qui a défendu la nécessité d’écrire de la poésie à nouveau pour donner un lieu à ceux qui n’en ont aucun et parce qu’elle seule pouvait- parce qu’elle est “une langue contre la langue” continuer à cerner le vide, le silence de Dieu face à la mort de son peuple, l’absence de ceux qui n’ont pas même de sépulture, mais il s’agit d’une poésie faite de peu de mots, de peu de liens entre eux, des prières à Personne et qui au final n’aura pas sauvé Celan de la tentation du suicide, mais qui nous revient chargée d’une indicible émotion.
L’on comprend mieux pourquoi malgré l’éloignement dans le temps de la Shoah pour les jeunes générations et le retour de toutes les formes de la poésie du passé qui continuent à s’écrire, elle se fait aujourd’hui plus modeste, poésie “malgré tout”, pour reprendre une expression de Bonnefoy. Alors que peut la poésie aujourd’hui, elle qui semble justement avoir renoncé à tout pouvoir, qui s’inscrit dans les marges de l’édition?
Le poète n’est plus le “phare”
baudelairien, ni le Soleil, ni même fils du soleil, nous dit Philippe Jaccottet,
il prend les traits d’un vieux calligraphe chinois qui préserve la faible
flamme d’une bougie, indispensable à son travail, des tempêtes du temps. A
l’écart, dans une cave! mais son oeuvre -montagne, cascade, figure de femme-,
est si vivante qu’elle permet à un agonisant de trépasser avec un sourire de
connivence. L’attention au monde, à l’autre, permet de conserver une présence
vive au coeur du poème et le geste de partage du texte ou du dessin maintient
la vie dans son humanité jusqu’à l’extrême : mourir en être humain en ayant foi
dans les capacités humaines d’oeuvrer pour qu’hommage soit rendu à la présence.
L’apologue dramatise à dessein la fonction de viatique de la poésie, mais même au fil du quotidien, la poésie, comme pratique de lecture et d’écriture, constitue un espace de résistance à tout ce qui voudrait uniformiser, conformer nos existences à des modèles préétabli, si elle est cette recherche d’une langue singulière dans la langue commune qui est altérée par “l’universel reportage”, si elle est ce parti-pris du monde compte tenu des mots, pour plagier le titre de Ponge, qui nous le rend plus familier et l’humanise à notre mode, ce qu’elle peut, c’est nous offrir un espace où être pleinement humain, attentifs à chaque nuance de nos sensations et de nos émotions parce que, conscients de la façon dont l’ajustement des mots précis et choisis peut les évoquer, loin de toutes les langues de bois qui cherchent à s’imposer, mais surtout “appelants” car tout poème révèle notre besoin de nous adresser aux autres, de quêter une écoute et une réponse même quand plus rien ne répond. Tant qu’il y aura de la poésie, les battements de coeur des êtres singuliers n’auront pas disparu, même si ce qu’ils disent signalent la disparition de tout. L’adresse, elle, la posture désirante de celui qui dit “Tu”, recréera la présence...
Paradoxal pouvoir de la poésie dont la faiblesse apparente, le retrait, la modestie des thèmes, le peu d’importance qui lui est accordée dans la société font la force. Elle est ce pouvoir de refuser tout ce que la société nous signale comme désirable: l’argent, le pouvoir de domination, les images de la réussite sociale qui leur sont liées, parce qu’elle se consacre à l’essentiel qui ne dure pas , qui passe- Ah les nuages de l’Etranger baudelairien-, qui flamboie et puis s’éteint et qu’elle essaye d’en capter le passage et d’en conserver le mouvement dans le jeu des mots, et l’on retrouve “la passante”...
L’apologue dramatise à dessein la fonction de viatique de la poésie, mais même au fil du quotidien, la poésie, comme pratique de lecture et d’écriture, constitue un espace de résistance à tout ce qui voudrait uniformiser, conformer nos existences à des modèles préétabli, si elle est cette recherche d’une langue singulière dans la langue commune qui est altérée par “l’universel reportage”, si elle est ce parti-pris du monde compte tenu des mots, pour plagier le titre de Ponge, qui nous le rend plus familier et l’humanise à notre mode, ce qu’elle peut, c’est nous offrir un espace où être pleinement humain, attentifs à chaque nuance de nos sensations et de nos émotions parce que, conscients de la façon dont l’ajustement des mots précis et choisis peut les évoquer, loin de toutes les langues de bois qui cherchent à s’imposer, mais surtout “appelants” car tout poème révèle notre besoin de nous adresser aux autres, de quêter une écoute et une réponse même quand plus rien ne répond. Tant qu’il y aura de la poésie, les battements de coeur des êtres singuliers n’auront pas disparu, même si ce qu’ils disent signalent la disparition de tout. L’adresse, elle, la posture désirante de celui qui dit “Tu”, recréera la présence...
Paradoxal pouvoir de la poésie dont la faiblesse apparente, le retrait, la modestie des thèmes, le peu d’importance qui lui est accordée dans la société font la force. Elle est ce pouvoir de refuser tout ce que la société nous signale comme désirable: l’argent, le pouvoir de domination, les images de la réussite sociale qui leur sont liées, parce qu’elle se consacre à l’essentiel qui ne dure pas , qui passe- Ah les nuages de l’Etranger baudelairien-, qui flamboie et puis s’éteint et qu’elle essaye d’en capter le passage et d’en conserver le mouvement dans le jeu des mots, et l’on retrouve “la passante”...
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