mardi 8 octobre 2019

De l'amour de Stendhal

L'on peut considérer le roman Le Rouge et le Noir comme une étude du comportement amoureux, sujet qui intéressait grandement Stendhal.

Texte extrait de DE L'amour sur la cristallisation:

 “La première cristallisation commence. On se plaît à orner de mille perfections une femme de l’amour de laquelle on est sûr ; on se détaille tout son bonheur avec une complaisance infinie. Cela se réduit à s’exagérer une propriété superbe, qui vient de nous tomber du ciel, que l’on ne connaît pas, et de la possession de laquelle on est assuré. Laissez travailler la tête d’un amant pendant vingt-quatre heures, et voici ce que vous trouverez. Aux mines de sel de Salzbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver ; deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes : les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants ; on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections.”

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Stendhal et l'Amour

Emission sur l'Essai DE l'amour

La cristallisation de Stendhal est un stade où l’imagination s’immisce en amour

in  https://1000-idees-de-culture-generale.fr/cristallisation-stendhal/

La cristallisation n’est qu’une des étapes de l’amour. Pour Stendhal, en effet, l’amoureux parcourt un véritable chemin spirituel, marqué par des expériences intérieures distinctes. Il induit de tous les cas particuliers en sa connaissance un schéma théorique général dont ressort la dimension éminemment mentale et fantasmagorique de la passion amoureuse authentique. Il identifie précisément sept époques de l’amour qui se succèdent dans l’âme : 1° l’admiration ; 2° le plaisir de la fréquentation ; 3° l’espérance ; 4° la naissance de l’amour ; 5° la première cristallisation ; 6° la naissance du doute ; 7° la seconde cristallisation. Dans ce processus, chaque niveau s’apparente à un état d’âme à partir duquel l’amoureux passe au niveau supérieur par un long et intense travail de tête. « L’on dirait, écrit Stendhal, que par une étrange bizarrerie du cœur, la femme aimée communique plus de charme qu’elle n’en a elle-même » (De l’amour). Potentiellement déclenchés par le plus mince événement, les fantasmes de l’amoureux ne semblent alors plus devoir s’arrêter à la moindre conclusion – ils ne font que dériver, se répéter, dériver, et encore se répéter. Assurément, l’homme passionné ne conduit pas sa pensée en scientifique. Stendhal décrit d’expérience les spéculations sans fin de l’amoureux, qui ne sont confrontées ni à la raison ni à la réalité.


 La cristallisation est le produit de l’imagination. Il s’agit en effet d’une image qui explique comment l’entendement de l’homme passionné est réduit au silence par le fantasme. Stendhal développe la métaphore de la manière la suivante : quand un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver est jeté dans une mine de sel, qu’il en est retiré plusieurs mois après couvert de cristallisations brillantes, comme garni d’une infinité de diamants, alors il n’est plus possible de reconnaître le rameau primitif. Pour l’écrivain, la méditation déraisonnable de l’amant n’aboutit pas à autre chose qu’à cristalliser sur l’objet de son désir des attributs et des qualités qui sont autant de faux diamants éphémères conçus par le bouillonnement de son esprit. « Ce que j’appelle la cristallisation, écrit Stendhal, c’est l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. […] La cristallisation de la maîtresse d’un homme, ou sa BEAUTÉ, n’est pas autre chose que la collection de TOUTES LES SATISFACTIONS de tous les désirs qu’il a pu former successivement à son égard » (De l’amour). Ainsi, par la cristallisation, le fantasme de l’amant a tendance à prendre le pas sur la réalité. L’homme passionné en arrive à ne plus chérir la personne réelle, l’objet de son désir, mais l’image idéale qu’il s’en est faite.

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