Pour montrer qu’Apollinaire est un poète entre tradition et
modernité, il faut développer ce qui dans sa poésie relève de la tradition et
montrer qu’il la renouvelle et la détourne, tout en s’intéressant au monde
contemporain et cela aussi bien au plan des formes poétiques utilisées que des
thèmes. Il faut étayer son propos par des exemples.
Traces de la tradition dans la forme : il utilise des
formes poétiques qui viennent du Moyen-âge par ex : Les formes poétiques médiévales sont toutes fondées sur la chanson : la
poésie ne s’entend pas, en effet, en dehors d’un accompagnement musical. Vers
la fin du Moyen Âge, de très nombreuses formes fixes apparaissent, et elles
s’éloignent progressivement des formes poétiques chantées pour n’être plus que
lues. Elles conservent, pour la plupart, des formes liées à la chanson, comme
la présence d’un refrain, le retour de vers identiques ou l’envoi final.
« Le Pont Mirabeau »
est le meilleur exemple de cette inspiration médiévale dans Alcools,
avec sa structure extrêmement régulière qui fait alterner des quatrains de vers
hétérométriques et le retour d’un distique en guise de refrain.
Le rondeau, ainsi que
sa variante rondel, comportent, comme la ballade, trois strophes au schéma de
rimes complexe. Si aucun rondeau ne figure dans Alcools, on notera tout
de même que plusieurs poèmes sont construits, à la manière de ces triolets, sur
des ensembles de trois strophes. C’est par exemple le cas de « Aubade chantée à
Laetare », « Les colchiques », ou encore « Clotilde », qui justement reprend le
goût du Moyen Âge pour les vers courts, puisqu’il est constitué
d’heptasyllabes.
des systèmes de
strophes utilisées depuis longtemps, le distique, le quatrain, le quintil.
Certains poèmes sont écrits en vers de façon traditionnelle : alexandrins,
octosyllabes, mais il invente aussi des formes poétiques nouvelles : avant
d’imprimer Alcools il supprime
complètement la ponctuation et même s’il n’est pas le premier à le faire, Mallarmé
l’avait fait pour Un coup de dé jamais…
https://www.youtube.com/watch?v=Q0JH7XCeXrI
( un cours d’un professeur d’université sur Mallarmé pour ceux qui veulent
enrichir leur culture générale)
L’absence de ponctuation change complètement le rapport avec
le lecteur qui devient actif pour retrouver l’agencement des mots,les
structures des phrases, certains vers pouvant devenir polysémiques.
Il utilise aussi des
vers libres comme dans « Zone », pratique le collage en déplaçant des
vers d’un poème à l’autre, ose même extraire un vers d’un poème et en faire un
poème à lui seul : le monostiche intitulé « Chantre », il
juxtapose des bribes de conversations comme dans le poème « Les Femmes »,
crée des métaphores violentes par juxtaposition des mots « Soleil cou
coupé » par exemple à la fin de « Zone ».
Il détourne des formes fixes comme le sonnet normalement de
14 vers pour rendre son poème plus signifiant par exemple dans « Nuit
Rhénane », il n’y a que 13 vers, chiffre magique, qui renforce le
sentiment d’une invasion du réel par le monde de la sorcellerie : « Mon
Verre s’est brisé comme un éclat de rire » avec le jeu sur la polysémie
possible à l’oral du mot « verre »qui peut s’entendre aussi comme le « vers
« de poésie. On voit qu’au plan formel Apollinaire ne cherche pas la
rupture complète avec la poésie du passé, mais la transforme à sa guise.
On peut en dire autant des thèmes : lorsqu’il chante
ses peines de cœur, il reprend les thèmes du lyrisme élégiaque, le mythe d’Orphée
et d’Eurydice, certaines images du Moyen
Age comme le locus amoenus propice à l’amour. Le thème de la fuite du temps est
un thème traditionnel développé par le mouvement du Romantisme ainsi que par
exemple la célébration de la saison de l’automne que l’on trouve chez Lamartine,
Verlaine. Beaucoup de poèmes semblent se souvenir de poèmes préexistants :
les poèmes dans les quels Apollinaire évoque son séjour en prison « A la
santé » font penser à ceux de Verlaine écrits également en prison. http://verlaineexplique.free.fr/sagesse/leciel.html
Sans parler des poèmes qui sont clairement des réécritures
comme la Loreley mais à chaque fois Apollinaire s’approprie la fable et la
transforme, la modifie. Toute la culture, l’érudition qui irrigue la poésie d’Apollinaire,
les références à l’Antiquité , à la Bible, aux légendes germaniques montrent
combien Apollinaire est attaché à la tradition littéraire à partir de laquelle
il compose et même se construit une identité en s’identifiant à certains
personnages comme le poète Orphée par exemple ou Icare.
Mais il est aussi un chantre du monde contemporain pour qui
les nouveautés doivent entrer en poésie comme les machines, le mobilier urbain,
les nouveaux moyens de communications, le gaz , l’électricité, la toute jeune
Tour Eiffel : le poème « Zone » en est un très bon exemple avec
son éloge du pouvoir d’envol de l’aviation par exemple . Mais il évoque
aussi , à la suite de Baudelaire dans Spleen
de Paris, les grandes villes et ceux qui la peuplent : les marginaux,
ivrognes, prostituées, étrangers, migrants. Voir par ex « Marizibill » ou « la
Chanson du Mal Aimé »
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