lundi 27 avril 2020

Question 3 " J'émerveille" devise d'Apollinaire

Apollinaire n'est pas seulement émerveillé par la beauté du monde et des femmes, il est celui qui par la poésie à le pouvoir d'émerveiller: il faut s'interroger sur le comment son écriture peut créer "la merveille". C'est largement lié à la capacité de la métaphore qui transforme  le monde: la Tour Eiffel devient par son pouvoir une "bergère" par exemple, le soleil "cou coupé" offre à la fois une personnification de l'astre en guillotiné et une image plastique un peu comme le drapeau japonais rouge sur fond blanc vu en coupe. Le mieux serait que chacun d'entre vous se trouve des exemples d'images qui vous ont étonnés.

Apollinaire lui-même pour définir son "esprit nouveau" a parlé d'esthétique de la surprise:


Apollinaire : une esthétique de la surprise

La surprise, ressort de l’Esprit nouveau :

Conférence sur l’Esprit Nouveau en 1917 : «  L’esprit nouveau est également dans la surprise. C’est ce qu’il ya en lui de plus vivant, de plus neuf. C’est par la surprise, par la place importante qu’il fait à la surprise que l’esprit nouveau se distingue de tous les mouvements artistiques et littéraires qui l’ont précédé. »

Alcools peut être considéré comme une sorte de manifeste de l’esthétique de la surprise, constitutive de l’art moderne, comme l’illustrent à la même époque les arts plastiques et les peintres amis d’Apollinaire.
- la recherche de la variété : diversité de formes poétiques, apparence disparate de la composition. Innovations formelles se mêlant à des réminiscences de la tradition poétique et à une inspiration pétrie de références livresques et de mythologie antique, chrétienne et germanique.
Apollinaire souhaitait que ses lecteurs soient aussi diversifiés que ses poèmes en accord avec son goût pour l’éclectisme : « Je voudrais qu’aimassent mes vers un boxeur nègre américain, une impératrice de Chine, un journaliste boche, un peintre espagnol, une jeune femme de bonne  race française, une jeune paysanne italienne et un officier anglais des Indes. ( in Lettres à sa marraine)

-Juxtaposition des registres : effet de surprise lié au constant mélange des niveaux de langue, des types d’énoncé et des registres qui créent de l’humour parfois et des ruptures de ton : par exe ; sacré qui se même au profane dans « Zone » : le christ premier aviateur. Termes empruntés au langage courant, voire trivial côtoient des mots savants et recherché témoignant de l’érudition d’Apollinaire : ex dans La Chanson du mal aimé : « Et moi j’ai le cœur aussi gros/ qu’un cul de dame damascène/O mon amour je t’aimais trop/ et maintenant j’ai trop de peine/ Les sept épées hors du fourreau »
Ou dans Palais :  « Dames de mes pensées au cul de perles fines/Dont ni perle ni cil n’égale l’orient » ex de mélange burlesque des registres : le lyrisme, l’élégie et sa mélancolie se trouvent ainsi ponctués de touches de fantaisie et d’humour. Dans « Salomé « par exemple l’évocation tragique de l’épisode biblique de la décapitation de Saint jean Baptiste à cause de la demande de Salomé se clôt par une strophe qui ressemble à une comptine déjantée et contribue à désacraliser le mythe. : «  Sire marchez devant trabants marchez derrière/ Nous creuserons un trou et l’y enterrerons/Nous planterons des fleurs et danserons en rond/ Jusqu’à l’heure où j’aurais perdu ma jarretière/ le roi sa tabatière/L’infante son rosaire/Le curé son bréviaire

Le principe de discontinuité : Apollinaire introduit des effets de discontinuité non seulement d’un poème à l’autre de son recueil ( un poème long, puis court) mais aussi à l’intérieur des poèmes eux-mêmes et même de certains vers.Il pratique une sorte d’esthétique du collage sans lien logique manifeste. Un très bon exemple est le poème « 1909 » à relire ou « Le Voyageur ».
Divers procédés de discontinuité : énumération hétéroclite : cf vers 161 à 165 dans Vendémiaire, fragmentation de la syntaxe soulignée par l’absence de ponctuation : » Soleil cou coupé », fréquence de l’asyndète donc ( figure d style : Les éléments apparaissent les uns à la suite des autres, au sein de propositions ayant des relations logiques entre elles mais sans liens, en étant simplement juxtaposés, de façon volontaire, c'est-à-dire dans un but stylistique.), montage ou « collage » polyphonique d’énoncés différents, poèmes conversations comme « Les femmes ou la dernière séquence du « Brasier »

Des images insolites : comparaisons et métaphores qui provoquent des surprises, changent notre regard sur le monde : « Soleil cou coupé » « Mains feuilles de l’automne » Bergère o Tour Eiffel, ce matin les ponts bêlent etc  L’humour accompagne souvent des rapprochements audacieux : « C’est la lune qui cuit comme un œuf sur le plat » « Les Fiançailles ». ( Trouvez quelques exemples personnels dans l’oeuvre qui vous ont particulièrement frappé.)

La deuxième chose que vous pouvez évoquer est que la notion de "merveille" renvoie en littérature au merveilleux des contes de fée, or plusieurs poèmes évoquent les thèmes de la sorcellerie, du chant qui a des pouvoirs magiques comme celui du batelier dans Nuit-Rhénane ou celui de la Loreley. Il y a le poème "Merlin et la vieille femme", les ombres qui rôdent. Parfois une atmosphère surnaturelle  qui s'installe. La description du réel ou les scènes quotidiennes glissent souvent vers le fantastique: c'est le cas de Nuit Rhénane poème dans lequel le Rhin lui-même devient ivre. On peut penser aussi au poèmes Les sapins dans lequel les sapins sont personnifiés et deviennent des personnages. Pensez aussi à la mort qui hante les conversations anadines des villageoises dans "Les femmes ".
Certains poèmes ont des allures de rêves ou de contes fantastiques comme la Maison des morts. Le poète a des pouvoirs de voyance qui métamorphose la réalité par ex dans le poème Les Fiançailles: "Les fleurs à mes yeux redeviennent des flammes".

Le pouvoir d'émerveiller est aussi tributaire de l'envoutement opéré par les mots et par la musicalité de leur assemblage: incanter signifie chanter pour obtenir un effet magique. une poésie incantatoire est une poésie qui a un pouvoir magique. La présence des chansons dans le recueil est importante et beaucoup de poèmes ont été mis en musique comme Le Pont Mirabeau.
 Apollinaire utilise énormément le principe du refrain , de la répétition:
- à l'intérieur d'un vers par ex cf dans" Salomé " Mon coeur battait battait très fort à sa parole" ou dans "Automne" ( Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été." ( effet d'insistance, d'intensité),
-par des anaphores ( répétition des mêmes mots en début de vers): ex. répéition de "Cest" dans "zone" ou "Ni" dans "Poème lu au Mariage d'André Salmon."
- par des allitérations, des répétitions de sonorités: "Et je m'éloignerai m’illuminant au milieu d'ombres" dans "Cortège", assonances: "L'amour lourd comme un ours privé/Dansa debout quand nous voulûmes" dans "La Tzigane" Harmonie imitative: Les poules dans la cour caquètent" dans "la Chanson du Mal aimé"
Apollinaire est fascine par la magie des mots et parfois il propose des jeux sur les homonymes et les calembours: une équivoque permet ainsi de comparer l'amour à un jeu de hasard ( la mourre) dans les vers suivants:" L'amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie/ la mourre jeu du nombre illusoire des doigts"dans "L'Ermite", de même rime équivoquée dans Le Pont Mirabeau: Comme la vie est lente/ et comme l'espérance est violente"

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