IL faut travailler cette explication de texte dans la perspective de l'oral du bac et donc vous assurez de bien la comprendre et si ce n'est pas le cas m'écrire pour me poser des questions.
Le poème « Mai » fait partie du cycle des « Rhénanes »,
autrement appelée la période allemande d’Apollinaire. Dans vos anthologies,
vous avez souvent parlé de ce séjour d’Apollinaire en Rhénanie et de sa
rencontre avec Annie Playden.
Situé juste après « Nuit rhénane », il lui est lié par la
présence importante du Rhin, mais également par les « Dames » qui le regardent, du haut d’une montagne. Ces « dames » font penser aux
châtelaines du Moyen Age qui regardaient partir leur chevaliers en croisades ou
à la guerre et qui aussi attendaient leur retour.
Elles rappellent implicitement la figure des nixes, qui sera
développée davantage dans le poème « La Loreley ».
Composé de trois quatrains et d’un quintile, le poème est
entièrement en alexandrins et en rimes embrassées, adoptant ainsi des formes
rythmiques très traditionnelles.
Nous suivrons le mouvement du texte en trois temps : 1. Une
complainte de l’amour perdu ( vers 1à 8),
2. L’irruption dans le paysage d’un pittoresque ( scène à peindre)
pathétique. ( vers 9 à 13) 3. La
mélancolie de la fuite du temps. (vers 14 à 17)
I.
Une complainte de l’amour
perdu ( vers 1 à 8)
UNUnecom1 à 8) complaint
1. La première strophe
s’ouvre sur une répétition, « Le mai le joli mai », au rythme alerte : sur un seul hémistiche ( =six syllabes),
le rythme 2+4 crée un élan et
ressemble au rythme d’une ritournelle ou d’une comptine. Il est
accentué par l’hémistiche suivant, en 6 syllabes. Cette gradation
du rythme se double du thème immédiat du voyage : « en barque sur le Rhin » (à l’oreille, on entend « embarque »). On peut d’ailleurs se demander du fait de
l’absence de ponctuation qui est « en barque sur le Rhin » ;
est-ce le locuteur, le poète ? Ou le Joli mois de mai personnifié ?
Les thématiques annoncées semblent tout à fait légères : une promenade
en bateau au printemps, le mois de mai est qualifié de « joli », terme léger et positif, et dès le deuxième vers les « Dames » apparaissent. Ce terme évoque des femmes d’une catégorie
sociale aisée, et ancre le poème dans une réminiscence des dames du Moyen Âge
et un contexte d’amour courtois. ( Rappelez vous l’influence du Moyen Age sur
la poésie d’Apollinaire que nous avons étudiée.)
Et pourtant, dès le troisième vers, cette tonalité heureuse se
fane. Alors que l’adresse du poète aux dames en question, « Vous êtes si jolies », poursuit le thème de
l’amour et de la séduction, le « mais » très fortement
adversatif et accentué par sa position juste après la césure rompt cette
illusion. Il ya un « mais », quelque chose qui ne va pas. Le lexique
se fait alors plus sombre : « s’éloigne », « pleurer », « se figeaient en arrière », jusqu’aux « pétales flétris » tout à fait antinomiques avec la saison heureuse
des floraisons. Une tristesse est installée par ce vocabulaire aux connotations
mélancoliques de séparation.
2. Le cadre de la reverdie est bien présent dans le titre, tout
d’abord : le mois de mai appartient aux éléments de décor traditionnels de ce
genre poétique. Ce décor naturel est particulièrement mis en valeur dans les
deux premières strophes : « Rhin », « montagne », « saules », « vergers », « pétales », « cerisiers de mai ». Le terme de « verger » s’ancre lui aussi dans la poésie médiévale, en rappelant les «
vergers courtois », les locus amoenus, lieux
idylliques propices aux amours naissantes.
Enfin, comme dans la reverdie traditionnelle, le thème de
l’amour est immédiat : la séduction du compliment « Vous êtes si jolies », la promenade en
barque, et la mention de « celle
que j’ai tant aimée ». Ce sont cependant ces mots qui montrent comment Apollinaire
renouvelle le motif, en l’inversant car le mois de mai n’est plus celui de
l’amour trouvé, mais celui de l’amour perdu. Le passé composé « j’ai tant
aimée » renvoie en effet cette femme dans un temps révolu, et, par
l’intensif « tant », on comprend que les
regrets du poète sont au coeur de ce poème et qu’il évoque une rupture
amoureuse.
3. Dans le deuxième quatrain, la description des vergers se mêle à
celle de la femme aimée. Elle est assez sombre : les vergers « se figeaient en arrière ». L’immobilité et le
renvoi à ce qui est passé annoncent tous deux la mort. De la même manière, les
pétales sont « tombés » et « flétris », comme si ce printemps était déjà arrivé en automne, saison de
la mélancolie et du deuil dans Alcools. ( Cherchez tous les poèmes qui évoquent l’automne « la
saison mentale » d’Apollinaire.) La femme est décrite par la métaphore des
pétales de cerisiers qui, par leur forme oblongue et leur couleur blanche,
rappellent au poète les « ongles
» de la femme aimée,
avant d’être associés, par leur caractère « flétris » cette fois, à ses « paupières ».
De la femme, Apollinaire ne décrit donc que des éléments peu
positifs : une certaine violence peut émerger de la vision des « ongles », durs et pointus, et les yeux « flétris » comme les pétales sont des yeux battus, cernés, des paupières
tombantes. Sous ces deux images se dévoile la souffrance du poète rejeté par
celle qu’il aime. Sans doute est-ce elle, qui a « fait pleurer les saules riverains » auxquels peut-être il
s’identifie, dans cette question rhétorique fondée sur un jeu de mots ( Les
saules sont en botanique traditionnellement appelés saules pleureurs parce que
leurs branches tombent dans l’eau, se courbent comme quand on pleure.) qui en
accentue paradoxalement la dureté.
II L’Irruption d’un
pittoresque pathétique ( vers 9 à13)
4. C’est tout d’abord par sa forme que cette strophe se différencie
des autres, puisque le quintile vient rompre le rythme des quatrains qui
précèdent. Ensuite disparaissent de cette strophe toutes les marques du
discours personnel du poète : le « je » en est absent, ainsi que toute mention
d’un sentiment du poète, d’une émotion personnelle. Enfin, le thème semble
totalement différent : de la déploration d’un amour perdu, le poème devient la
description de deux cortèges, dont le second n’est pas vraiment visible, sur le
« chemin du bord du fleuve ». Ces éléments sont donc
décrits par le poète depuis sa position sur la barque, au milieu du fleuve.
Les personnages secondaires qui apparaissent sont hétéroclites,
et n’ont rien en commun avec les jolies dames de la première strophe : « un ours un singe un chien », « des tziganes », « une roulotte traînée par un âne », puis le « régiment
» du vers 13 dont les
soldats jouent du « fifre », instrument
traditionnel en Allemagne de la musique militaire. Un tableau très pittoresque
se met donc en place, dans l’irruption de ces figures du folklore germanique. (
Ne pas oublier que le peintre Picasso avant sa période cubiste a peint des
artistes de cirques.)
5. Le premier alexandrin de ce quintile annonce le rythme de la
marche avec l’adverbe : « lentement ». Il est accentué par le rythme de ce vers, scandé par la
répétition « du bord du fleuve », reprise sur le même
rythme par l’assonance en [e] « fleuv-e lentement ». C’est exactement la même musicalité qui ouvre le vers suivant,
dans l’énumération
« Un ours un singe un chien », et dans la totalité de
l’alexandrin structuré toujours sur deux temps (2+2+2 // 2+2+2). La répétition
de l’article indéfini « un » accentue l’impression de lenteur et de
solitude de chaque élément du cortège. Les trois derniers vers, eux, jouent
davantage sur d’autres sonorités qui elles aussi évoquent la marche :
allitérations en [r], en [t]. On voit passer le cortège, mais on l’entend
également marcher. Il est intéressant de noter que le cortège des « tziganes » marche sur un rythme militaire, celui, en réalité, du « régiment » que le poète semble entendre sans le voir, puisqu’il n’évoque
qu’« un air de régiment ». Ce cortège paraît d’autant
plus réaliste qu’il est décrit curieusement, en commençant par la fin pour
finir par le premier élément, « un âne ». Le poète en effet en aperçoit d’abord la queue du cortège
avant de les dépasser sur sa barque, ce qui lui permet de voir ce qu’il y avait
au début.
6. À part les tziganes, tous ces éléments hétéroclites sont au
singulier : « Un ours un singe un chien », « un âne », « un fifre »,« un air », ce qui confère une impression de solitude à ce tableau.
De plus, ils avancent « lentement », la « roulotte
» est « traînée», comme difficilement, par l’âne. Le jeu de la description
réaliste, commençant par la fin pour ensuite dépasser le cortège, les fait
s’éloigner graduellement de la vue du poète, à l’instar de la musique qui, elle
aussi, s’éloigne. Les fifres sont « lointains », et le silence
semble de nouveau s’abattre sur le Rhin, laissant le poète à sa
propre solitude.
III. La mélancolie de la
fuite du temps : (vers 14 à 17)
7. À la manière des chansons du Moyen Âge, le vers 14 reprend à
l’identique le premier hémistiche du poème, de la même manière que la strophe
est, à nouveau, en alexandrins. Le « Rhin » revient également,
ainsi que la nature, omniprésente ici : « De lierre de vigne vierge et de rosiers ». Mais la tonalité a
totalement changé. Le mois de mai est immédiatement associé aux « ruines », peut-être celles des châteaux qui longent le Rhin, et, plus
symboliquement, métaphores des souvenirs amoureux douloureux. Enfin, alors que
le mois de mai est celui du printemps, c’est ici presque l’automne qui est
décrit : « le vent du Rhin », la « vigne
vierge », répétée au dernier mot
du poème, l’« osier » que l’on tresse séché…
Les allitérations en [s] et [z] des deux derniers vers, peu euphoniques ( =Peu
plaisants à l’oreille), accentuent cette tristesse.
Enfin, les fleurs sont « nues », comme si leurs pétales étaient tous tombés, à l’image des
pétales des cerisiers au début du poème.
8. Mais si l’automne est, pour Apollinaire, la saison du deuil, quelques
indices dans cette strophe laissent entrevoir la possibilité d’une renaissance.
Certes, les ruines demeurent, mais elles sont « paré[es] »(= habillées avec soin comme des reines), telles les dames de
la première strophe. Les « rosiers
» rappellent la métaphore
de la rose pour décrire la femme aimée, ou encore le symbole de l’amour. Et la
nature est vivante : « le
vent du Rhin secoue » il y a du mouvement par
opposition aux vergers qui « se figeaient en arrière », les roseaux
parlent ou chantent, puisqu’ils sont « jaseurs », et la vigne a des « fleurs nues », qui peuvent aussi évoquer des figures féminines. Reste que la
solitude du poète est toujours présente, puisque les seuls signes de vie sont
ceux de la nature, et qu’il continue inexorablement à s’éloigner sur le fleuve,
passant sur l’eau passante, et observant les autres passer. À leurs images, le
temps s’enfuit et transforme les amours en « ruines ».
A vous de bâtir la conclusion!
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