jeudi 19 mars 2020

Explication linéaire du poème "Mai"

Même si tout le monde ne m'a pas envoyé les réponses aux questions posées, je mets en ligne l'explication de texte dans laquelle vous trouverez les réponses car sinon nous prendrons du retard. Je fais avec vous en ligne exaxctement le programme que je ferai en cours.

IL faut travailler cette explication de texte dans la perspective de l'oral du bac et donc vous assurez de bien la comprendre et si ce n'est pas le cas m'écrire pour me poser des questions.



Le poème « Mai » fait partie du cycle des « Rhénanes », autrement appelée la période allemande d’Apollinaire. Dans vos anthologies, vous avez souvent parlé de ce séjour d’Apollinaire en Rhénanie et de sa rencontre avec Annie Playden.
Situé juste après « Nuit rhénane », il lui est lié par la présence importante du Rhin, mais également par les « Dames » qui le regardent, du haut d’une montagne.  Ces « dames » font penser aux châtelaines du Moyen Age qui regardaient partir leur chevaliers en croisades ou à la guerre et qui aussi attendaient leur retour.
Elles rappellent implicitement la figure des nixes, qui sera développée davantage dans le poème « La Loreley ».
Composé de trois quatrains et d’un quintile, le poème est entièrement en alexandrins et en rimes embrassées, adoptant ainsi des formes rythmiques très traditionnelles.
Nous suivrons le mouvement du texte en trois temps : 1. Une complainte de l’amour perdu ( vers 1à 8),  2. L’irruption dans le paysage d’un pittoresque ( scène à peindre) pathétique. ( vers 9 à 13)  3. La mélancolie de la fuite du temps. (vers 14 à 17)


I.             Une complainte de l’amour perdu ( vers 1 à 8)

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1.   La première strophe s’ouvre sur une répétition, « Le mai le joli mai », au rythme alerte : sur un seul hémistiche ( =six syllabes), le rythme 2+4 crée un élan et ressemble au rythme d’une ritournelle ou d’une comptine. Il est accentué par l’hémistiche suivant, en 6 syllabes. Cette gradation du rythme se double du thème immédiat du voyage : « en barque sur le Rhin » (à l’oreille, on entend « embarque »). On peut d’ailleurs se demander du fait de l’absence de ponctuation qui est « en barque sur le Rhin » ; est-ce le locuteur, le poète ? Ou le Joli mois de mai personnifié ? Les thématiques annoncées semblent tout à fait légères : une promenade en bateau au printemps, le mois de mai est qualifié de « joli », terme léger et positif, et dès le deuxième vers les « Dames » apparaissent. Ce terme évoque des femmes d’une catégorie sociale aisée, et ancre le poème dans une réminiscence des dames du Moyen Âge et un contexte d’amour courtois. ( Rappelez vous l’influence du Moyen Age sur la poésie d’Apollinaire que nous avons étudiée.)
Et pourtant, dès le troisième vers, cette tonalité heureuse se fane. Alors que l’adresse du poète aux dames en question, « Vous êtes si jolies », poursuit le thème de l’amour et de la séduction, le « mais » très fortement adversatif et accentué par sa position juste après la césure rompt cette illusion. Il ya un « mais », quelque chose qui ne va pas. Le lexique se fait alors plus sombre : « s’éloigne », « pleurer », « se figeaient en arrière », jusqu’aux « pétales flétris » tout à fait antinomiques avec la saison heureuse des floraisons. Une tristesse est installée par ce vocabulaire aux connotations mélancoliques de séparation.

2. Le cadre de la reverdie est bien présent dans le titre, tout d’abord : le mois de mai appartient aux éléments de décor traditionnels de ce genre poétique. Ce décor naturel est particulièrement mis en valeur dans les deux premières  strophes : « Rhin », « montagne », « saules », « vergers », « pétales », « cerisiers de mai ». Le terme de « verger » s’ancre lui aussi dans la poésie médiévale, en rappelant les « vergers courtois », les locus amoenus, lieux idylliques propices aux amours naissantes.
Enfin, comme dans la reverdie traditionnelle, le thème de l’amour est immédiat : la séduction du compliment « Vous êtes si jolies », la promenade en barque, et la mention de « celle que j’ai tant aimée ». Ce sont cependant ces mots qui montrent comment Apollinaire renouvelle le motif, en l’inversant car le mois de mai n’est plus celui de l’amour trouvé, mais celui de l’amour perdu. Le passé composé «  j’ai tant aimée » renvoie en effet cette femme dans un temps révolu, et, par l’intensif « tant », on comprend que les regrets du poète sont au coeur de ce poème et qu’il évoque une rupture amoureuse.

3. Dans le deuxième quatrain, la description des vergers se mêle à celle de la femme aimée. Elle est assez sombre : les vergers « se figeaient en arrière ». L’immobilité et le renvoi à ce qui est passé annoncent tous deux la mort. De la même manière, les pétales sont « tombés » et « flétris », comme si ce printemps était déjà arrivé en automne, saison de la mélancolie et du deuil dans Alcools. ( Cherchez tous les poèmes qui évoquent l’automne « la saison mentale » d’Apollinaire.) La femme est décrite par la métaphore des pétales de cerisiers qui, par leur forme oblongue et leur couleur blanche, rappellent au poète les « ongles » de la femme aimée, avant d’être associés, par leur caractère « flétris » cette fois, à ses « paupières ».
De la femme, Apollinaire ne décrit donc que des éléments peu positifs : une certaine violence peut émerger de la vision des « ongles », durs et pointus, et les yeux « flétris » comme les pétales sont des yeux battus, cernés, des paupières tombantes. Sous ces deux images se dévoile la souffrance du poète rejeté par celle qu’il aime. Sans doute est-ce elle, qui a « fait pleurer les saules riverains » auxquels peut-être il s’identifie, dans cette question rhétorique fondée sur un jeu de mots ( Les saules sont en botanique traditionnellement appelés saules pleureurs parce que leurs branches tombent dans l’eau, se courbent comme quand on pleure.) qui en accentue paradoxalement la dureté.

II L’Irruption d’un pittoresque pathétique ( vers 9 à13)

4. C’est tout d’abord par sa forme que cette strophe se différencie des autres, puisque le quintile vient rompre le rythme des quatrains qui précèdent. Ensuite disparaissent de cette strophe toutes les marques du discours personnel du poète : le « je » en est absent, ainsi que toute mention d’un sentiment du poète, d’une émotion personnelle. Enfin, le thème semble totalement différent : de la déploration d’un amour perdu, le poème devient la description de deux cortèges, dont le second n’est pas vraiment visible, sur le « chemin du bord du fleuve ». Ces éléments sont donc décrits par le poète depuis sa position sur la barque, au milieu du fleuve.
Les personnages secondaires qui apparaissent sont hétéroclites, et n’ont rien en commun avec les jolies dames de la première strophe : « un ours un singe un chien », « des tziganes », « une roulotte traînée par un âne », puis le « régiment » du vers 13 dont les soldats jouent du « fifre », instrument traditionnel en Allemagne de la musique militaire. Un tableau très pittoresque se met donc en place, dans l’irruption de ces figures du folklore germanique. ( Ne pas oublier que le peintre Picasso avant sa période cubiste a peint des artistes de cirques.)

5. Le premier alexandrin de ce quintile annonce le rythme de la marche avec l’adverbe : « lentement ». Il est accentué par le rythme de ce vers, scandé par la répétition « du bord du fleuve », reprise sur le même rythme par l’assonance en [e] « fleuv-e lentement ». C’est exactement la même musicalité qui ouvre le vers suivant, dans l’énumération
« Un ours un singe un chien », et dans la totalité de l’alexandrin structuré toujours sur deux temps (2+2+2 // 2+2+2). La répétition de l’article indéfini « un » accentue l’impression de lenteur et de solitude de chaque élément du cortège. Les trois derniers vers, eux, jouent davantage sur d’autres sonorités qui elles aussi évoquent la marche : allitérations en [r], en [t]. On voit passer le cortège, mais on l’entend également marcher. Il est intéressant de noter que le cortège des « tziganes » marche sur un rythme militaire, celui, en réalité, du « régiment » que le poète semble entendre sans le voir, puisqu’il n’évoque qu’« un air de régiment ». Ce cortège paraît d’autant plus réaliste qu’il est décrit curieusement, en commençant par la fin pour finir par le premier élément, « un âne ». Le poète en effet en aperçoit d’abord la queue du cortège avant de les dépasser sur sa barque, ce qui lui permet de voir ce qu’il y avait au début.

6. À part les tziganes, tous ces éléments hétéroclites sont au singulier : « Un ours un singe un chien », « un âne », « un fifre »,« un air », ce qui confère une impression de solitude à ce tableau.
De plus, ils avancent « lentement », la « roulotte » est « traînée», comme difficilement, par l’âne. Le jeu de la description réaliste, commençant par la fin pour ensuite dépasser le cortège, les fait s’éloigner graduellement de la vue du poète, à l’instar de la musique qui, elle aussi, s’éloigne. Les fifres sont « lointains », et le silence
semble de nouveau s’abattre sur le Rhin, laissant le poète à sa propre solitude.

III. La mélancolie de la fuite du temps : (vers 14 à 17)

7. À la manière des chansons du Moyen Âge, le vers 14 reprend à l’identique le premier hémistiche du poème, de la même manière que la strophe est, à nouveau, en alexandrins. Le « Rhin » revient également, ainsi que la nature, omniprésente ici : « De lierre de vigne vierge et de rosiers ». Mais la tonalité a totalement changé. Le mois de mai est immédiatement associé aux « ruines », peut-être celles des châteaux qui longent le Rhin, et, plus symboliquement, métaphores des souvenirs amoureux douloureux. Enfin, alors que le mois de mai est celui du printemps, c’est ici presque l’automne qui est décrit : « le vent du Rhin », la « vigne vierge », répétée au dernier mot du poème, l’« osier » que l’on tresse séché… Les allitérations en [s] et [z] des deux derniers vers, peu euphoniques ( =Peu plaisants à l’oreille), accentuent cette tristesse.
Enfin, les fleurs sont « nues », comme si leurs pétales étaient tous tombés, à l’image des pétales des cerisiers au début du poème.

8. Mais si l’automne est, pour Apollinaire, la saison du deuil, quelques indices dans cette strophe laissent entrevoir la possibilité d’une renaissance. Certes, les ruines demeurent, mais elles sont « paré[es] »(= habillées avec soin comme des reines), telles les dames de la première strophe. Les « rosiers » rappellent la métaphore de la rose pour décrire la femme aimée, ou encore le symbole de l’amour. Et la nature est vivante : « le vent du Rhin secoue » il y a du mouvement par opposition aux vergers qui « se figeaient en arrière », les roseaux parlent ou chantent, puisqu’ils sont « jaseurs », et la vigne a des « fleurs nues », qui peuvent aussi évoquer des figures féminines. Reste que la solitude du poète est toujours présente, puisque les seuls signes de vie sont ceux de la nature, et qu’il continue inexorablement à s’éloigner sur le fleuve, passant sur l’eau passante, et observant les autres passer. À leurs images, le temps s’enfuit et transforme les amours en « ruines ».

A vous de bâtir la conclusion!

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