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L'influence du Moyen- Age sur Apollinaire sera à développer lors que l'on voudra prouver que par certains aspects son oeuvre appartient à la tradition.
La jeunesse d’Apollinaire est marquée par ses études. Élève très
studieux, il est rapidement fasciné par la littérature, et notamment par les
oeuvres du Moyen Âge – celles de François Villon en tête.
À son arrivée à Paris, en 1904, il approfondit sa connaissance
de la littérature médiévale en consultant pendant de longues heures les
manuscrits de la bibliothèque Mazarine. Ses toutes premières publications
témoignent d’ailleurs de cette passion. L’Enchanteur pourrissant, publié en 1909, se fonde
sur le personnage de Merlin, tiré de la légende arthurienne du Moyen Âge. En
1911 paraît Le Bestiaire, livre qui mêle aux poèmes d’Apollinaire les dessins de Raoul Dufy,
sans doute inspirés des premières « gravures d’animaux » de Pablo Picasso. On
retrouve dans ce livre d’art la forme des bestiaires médiévaux, elle-même
héritée d’ouvrages latins plus anciens.
Le Bestiaire d'Apollinaire textes. A vous de chercher des exemples d'illustrations de Raoul Dufy.
Alcools, le souvenir
des formes médiévales
Les formes poétiques médiévales sont toutes fondées sur la chanson
: la poésie ne s’entend pas, en effet, en dehors d’un accompagnement musical.
Vers la fin du Moyen Âge, de très nombreuses formes fixes apparaissent, et
elles s’éloignent progressivement des formes poétiques chantées pour n’être
plus que lues. Elles conservent, pour la plupart, des formes liées à la chanson,
comme la présence d’un refrain, le retour de vers identiques ou l’envoi final.
« Le Pont Mirabeau » est le meilleur exemple de cette
inspiration médiévale dans Alcools, avec sa structure
extrêmement régulière qui fait alterner des quatrains de vers hétérométriques
et le retour d’un distique en guise de refrain.
Le rondeau, ainsi que sa variante rondel, comportent, comme la
ballade, trois strophes au schéma de rimes complexe. Si aucun rondeau ne figure
dans Alcools, on notera tout de même
que plusieurs poèmes sont construits, à la manière de ces triolets, sur des ensembles
de trois strophes. C’est par exemple le cas de « Aubade chantée à Laetare », « Les colchiques », ou encore « Clotilde »,
qui justement reprend le goût du Moyen Âge pour les vers courts, puisqu’il est
constitué d’heptasyllabes.
Le « lai » lyrique est évoqué dans « La Chanson du
Mal-Aimé » (« Moi qui sais des lais pour les reines »), qui en adopte certaines caractéristiques. Cette forme au départ
assez libre est constituée d’octosyllabes, vers privilégiés de ce poème qui en reprend la longueur caractéristique et la
matière, puisque, comme dans les premiers lais, Apollinaire fait le récit de plusieurs
contes et légendes. On retrouve enfin un refrain, dans la litanie des formes
fixes de la poésie et de la chanson.
Ce sont pour finir certains jeux poétiques
des textes d’Alcools qui évoquent ceux du
Moyen Âge. En premier lieu, le goût médiéval des strophes à rimes identiques,
que l’on retrouve dans « La blanche neige ». Les deux premières strophes jouent
en effet sur des assonances en [iel] et [ier], et la répétition du mot « ciel » à la première.On y retrouve également
l’alternance des vers courts et longs, très prisée au Moyen Âge et notamment dans
les virelais, ou encore les jeux de mots comme celui qui lie à la rime « neige » et « n’ai-je ». Ces deux rimes uniques
se lisent aussi dans « L’Adieu », constitué d’un seul quintile, et sur des
assonances en [èr] et [ten].
La reprise de topoï du Moyen Âge
Le locus amoenus, ou le verger courtois
L’aventure amoureuse est très fréquemment liée, dans la
littérature du Moyen Âge, à la présence d’un lieu idyllique, jardin magnifique dans
lequel on retrouve des fleurs, des arbres fruitiers, souvent une source ou une
fontaine, des oiseaux qui chantent. Ce verger d’amour fortement allégorique se
retrouve dans plusieurs poèmes d’Alcools. « Aubade chantée à Laetare » présente ainsi tous les éléments
naturels qui favorisent l’apparition des dieux de l’amour : le « bois joli », les « roses
qui feuillolent », « la floraison », résumés dans la
dernière strophe : « la nature est belle et touchante ». « Les colchiques »
reprennent ce même topos médiéval, et également «
Annie » (« Un grand jardin tout plein de roses »), ou encore « Clotilde » (« L’anémone et l’ancolie / Ont poussé dans le jardin »). Comme dans la poésie médiévale, ces locus amoenus sont bien les réceptacles de l’amour, puisque tous ces poèmes
évoquent ce thème.
En lien avec ce motif, celui de la reverdie est également
présent : ce genre poétique célèbre le renouveau de la nature au printemps, en le
mettant en lien avec le renouveau amoureux. Le poème « Mai », par exemple, joue sur la reverdie médiévale en la renouvelant.
La matière arthurienne: il s'agit des romans de chevalerie qui raconte l'histoire du Roi Arthur.
Elle est surtout présente dans les poèmes les plus anciens du recueil,
écrits entre 1898 et 1901, et fréquemment associée aux thèmes bibliques.
«
Merlin et la vieille femme » est tout entier fondé sur la légende arthurienne,
et plus spécifiquement sur le personnage de Merlin, « l’enchanteur pourrissant
» du premier ouvrage d’Apollinaire. Il fait intervenir les personnages les plus
célèbres, Viviane et Morgane, et raconte les amours de Merlin piégé par Viviane
dans un cercle d’aubépines. Merlin fascine Apollinaire,peut-être parce qu’ils partagent
une même souffrance : celle d’être des enfants de père inconnu.
Histoire de Merlin
Histoire de Merlin
On retrouve ce
cycle arthurien de manière plus allusive dans d’autres textes, à travers les
images de l’amour courtois, ou fin’amor. « À la fin les mensonges » se clôt ainsi sur l’image de la
femme aimée observant son chevalier du haut de sa fenêtre : « Une dame penchée à sa fenêtre m’a regardé longtemps
/ M’éloigner en chantant ». À Annie et Marie se
substitue ainsi souvent
l’image de cette femme lointaine, rappel du thème de la belle
dame sans merci, comme on le voit dans « Annie » où « Une femme se promène souvent / Dans le jardin toute seule ».
« Ubi sunt qui antes nos fuerunt ? »
Le topos du Ubi sunt, tiré de la question signifiant « Où sont ceux qui nous ont
précédé ? », est l’un des plus célèbres des poèmes de François Villon, ou de
Rutebeuf. Cette réflexion sur le temps née des pensées des philosophes antiques,
notamment stoïciens comme Marc-Aurèle, est réemployée tout au long du Moyen
Âge, d’abord dans la poésie chrétienne où elle reprend le motif de la vanité,
puis
dans un sens plus profane, liée notamment au thème des amours disparues
– on se rappelle le vers célèbre « Mais où sont les neiges d’antan ? », dans « La Ballade des
dames du temps jadis » de Villon. Ballade des dames du temps jadis
Le poème « Marie » la reprend très précisément dans les
questions rhétoriques en anaphore : « Sais-je où s’en iront tes cheveux », et « Le voyageur »
reprend ce motif en le détournant légèrement dans
l’anaphore « Te
souviens-tu ? ».
Comment Apollinaire détourne les motifs traditionnels du Moyen Age:
Le détournement des références médiévales
Si Apollinaire fait siens les formes ou les motifs médiévaux traditionnels,
il joue en revanche très souvent sur ces codes en les détournant. Ainsi, dans «
Aubade chantée à Laetare », ce ne sont pas les oiseaux qui chantent, mais, fort
ironiquement, les « grenouilles humides » et les « poules » qui « caquètent
» ! Quant aux dieux, ils ne discourent pas sur l’amour courtois, mais ils «
s’embrassent à bouche folle »… Dans « Palais », alors
que l’on retrouve le verger d’amour traditionnel, l’amour est loin d’être aussi
platonique que la fin’amor ne l’exige, puisque le
poète décrit les « chairs fouettées des roses de
la roseraie » et le « cul de perle fine » de la « Dame de ses pensées ». La suite du poème
associe plaisamment la chair et la chère, dans une description fort
outrée d’un banquet typique du Moyen Âge où les viandes deviennent « des rôtis de pensées mortes dans [s]on cerveau ».
Enfin, Apollinaire détourne
un motif célèbre de Guillaume de Lorris dans Le Roman de la rose, où cette fleur ne peut
jamais être cueillie par l’homme qui la recherche. Dans « Rosemonde », c’est la
femme qui porte le nom de cette fleur, femme à la « bouche fleurie » (traduction
du hollandais rose mond), à l’instar du
personnage de « Palais », « Madame
Rosemonde
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