samedi 21 septembre 2019

la bataille d'Hernani ( en savoir plus)

5mn d'une émission sur la bataille d'Hernani. L'opposition entre Stendhal et Hugo y est d'ailleurs évoquée.

Sur le site d'un collègue

la bataille d'Hernani téléfilm 1ère partie

la bataille d'Hernani 2ème partie

Video sur le drame romantique


Le drame romantique 

 Bien qu’il lui succède, le drame romantique n’est pas l’héritier du drame bourgeois. La Révolution, l’Empire, la Restauration ont bouleversé l’histoire et les mentalités. A époque nouvelle, théâtre nouveau. Cette aspiration à la nouveauté s’alimente d’influences étrangères. On découvre avec passion les œuvres de Byron, de Walter Scott et surtout de Shakespeare ainsi que celles du « Sturm und Drang ». 
Le répertoire de la tragédie classique apparaît en comparaison plus fade et plus démodé que jamais. 
 Le drame romantique se fonde sur une exigence première : la liberté de l’art qui ne connaît « d’autres lois que les lois de la nature » (Préface de Cromwell, 1827). C’est un refus général des interdits. Les unités classiques sont vivement remises en cause. Le dramaturge devient maître du temps en fonction de son sujet. L’unité de lieu est jugée factice et créatrice d’impersonnalité. Seule l’unité d’action trouve grâce aux yeux de Victor Hugo, mais Musset n’hésite pas à la briser dans Lorenzaccio. Même la majesté de l’alexandrin est attaquée. Contre l’avis de Victor Hugo qui conserve le mètre pour mieux le « libérer », Stendhal juge la prose plus précise , plus conforme en tout cas à la manière de parler des Français. 
 La liberté romantique est la condition nécessaire de la totalité. Ce désir de représenter la totalité des êtres et des choses ne postule donc aucun réalisme à la manière de Diderot, ou plus tard, de Zola. L’art transfigure la réalité. 
 « Miroir de concentration » (Hugo), le drame romantique trie ses matériaux, métamorphose le monde, non pour l’embellir, mais pour le placer dans une lumière, qui condensée, fera mieux ressortir ses couleurs. L’histoire fournit ainsi la plupart des sujets parce qu’elle incarne une destinée collective. Un triple traitement lui confère valeur d’universalité :
 -la « couleur locale » qui inscrit le drame dans une temporalité donnée ; 
 -un jeu d’échos, de correspondances ou de projections, qui assure un lien entre le passé et l’actualité (derrière Cromwell et l’exécution de Charles Ier d’Angleterre se dressent l’ombre de Napoléon et l’exécution du duc d’Enghien) ;
 -l’évocation historique qui se prête à une représentation du devenir humain : « Quel que soit le drame, écrit Hugo dans la préface des Burgraves, qu’il entretienne une légende, une histoire ou un poème, c’est bien, mais qu’il contienne avant tout la nature et l’humanité. » Insistant sur la complexité et les contradictions de l’être, le romantisme prône enfin le mélange des genres et des tons. C’est la théorie hugolienne du sublime et du grotesque (souvent confondu avec le laid). A l’âme appartient le sublime « dégagé de tout alliage impur » avec « en apanage tous les charmes, toutes les grâces, toutes les beautés » ; au laid, les « ridicules » et les « infirmités » présents, par exemple, dans le personnage du bouffon. Toujours il s’agit de rendre compte de la double dimension, spirituelle et charnelle, de l’homme. 
 Par-delà le drame bourgeois, le théâtre romantique renoue toutefois avec un certain classicisme en réintroduisant la notion de héros. Une passion fougueuse, empreinte d’absolu, caractérise celui-ci.
 Tous pourraient reprendre ce cri de Lucrèce dans l’André del Sarto de Musset : « Je ne sais ni tromper, ni aimer à demi » ; ils meurent ou tuent par amour. La fatalité s’acharne sur eux. Chatterton porte « au front » la marque de l’inspiration ; Lorenzaccio ressent l’irrésistible besoin d’imprimer au monde sa « volonté » ; sur les quatre générations des Burgraves plane un fratricide ancien ; et Hernani se voit comme une « âme de malheur faite avec des ténèbres ». Criminel (Lucrèce Borgia), victime (Chatterton) ou proscrit (Hernani), le héros romantique atteint à la grandeur, dans le bien comme dans le mal : Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau, Quelque chose de grand de sublime et de beau, (Hernani, IV, 2.) dit don Carlos à l’ombre de Charlemagne. C’est qu’à l’inverse de ce qui se passait dans la tragédie classique, la noblesse d’âme n’a aucun rapport avec la noblesse du sang. Le héros, même rejeté au ban de la société, conserve et construit sa supériorité : « J’ai l’habit d’un laquais, et vous en avezl’âme », lance avec mépris Ruy Blas à don Salluste. 
Alain Couprie, Le théâtre, 2ème édition, Armand Colin, 2009.

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