C'est à Baudelaire que l'on doit une définition de la modernité qui a inspiré les écrivains et artistes après lui. Elle se trouve dans un texte qui porte sur le peintre Constantin Guys.
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Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne, 1863
Dans une étude sur l’œuvre du peintre Constantin Guys, Baudelaire définit sa conception de la modernité artistique.
"Ainsi il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il? A coup sûr, cet homme, tel que je l’ai dépeint, ce solitaire doué d’une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d’hommes, a un but plus élevé que celui d’un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu’on nous permettra d’appeler la modernité ; car il ne se présente pas de meilleur mot pour exprimer l’idée en question. Il s’agit, pour lui, de dégager de la mode ce qu’elle peut contenir de poétique dans l’historique, de tirer l’éternel du transitoire. Si nous jetons un coup d’œil sur nos expositions de tableaux modernes, nous sommes frappés de la tendance générale des artistes à habiller tous les sujets de costumes anciens. Presque tous se servent des modes et des meubles de la Renaissance, comme David se servait des modes et des meubles romains. Il y a cependant cette différence, que David, ayant choisi des sujets particulièrement grecs ou romains, ne pouvait pas faire autrement que de les habiller à l’antique, tandis que les peintres actuels, choisissant des sujets d’une nature générale applicable à toutes les époques, s’obstinent à les affubler des costumes du Moyen Age, de la Renaissance ou de l’Orient. C’est évidemment le signe d’une grande paresse ; car il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid dans l’habit d’une époque, que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse qui y peut être contenue, si minime ou si légère qu’elle soit. La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. Il y a eu une modernité pour chaque peintre ancien ; la plupart des beaux portraits qui nous restent des temps antérieurs sont revêtus des costumes de leur époque. Ils sont parfaitement harmonieux, parce que le costume, la coiffure et même le geste, le regard et le sourire (chaque époque a son port, son regard et son sourire) forment un tout d’une complète vitalité. Cet élément transitoire, fugitif, dont les métamorphoses sont si fréquentes, vous n’avez pas le droit de le mépriser ou de vous en passer. En le supprimant, vous tombez forcément dans le vide d’une beauté abstraite et indéfinissable, comme celle de l’unique femme avant le premier péché. Si au costume de l’époque, qui s’impose nécessairement, vous en substituez un autre, vous faites un contresens qui ne peut avoir d’excuse que dans le cas d’une mascarade voulue par la mode."
Baudelaire place son concept de modernité en relation étroite avec la peinture de son époque, mais sa définition est intéressante car elle montre que l'artiste qui cherche à faire oeuvre de modernité cherche à rendre compte de ce qu'il y a de particulier, de spécifique à son époque et à le faire perdurer en utilisant une forme suffisamment travaillée pour que l'oeuvre survive dans la durée.
Cela peut paraître paradoxal car Baudelaire n'adhérait pas à son temps et pouvait paraître anti-moderne par certains aspects, opposé au progrès technologique par exemple, contrairement à Apollinaire.
Mais dans sa poésie, il a dans Les Fleurs du Mal évoqué le Paris contemporain, la misère, la laideur en utilisant la forme la plus pure de la poésie classique, l'alexandrin, le sonnet par exemple et dans le Spleen de Paris ou les petits poèmes en prose, il a choisi de considérer la prose comme un matériau adéquat pour faire de la poésie à partir des mêmes thèmes: ville, et ses habitants, scènes du quotidien parfois misérable etc
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