
Réponses aux questions sur le tableau de de Chririco
1. Où est Apollinaire sur
cette toile ? Comment comprenez-vous le second titre que le peintre lui a donné
?
1. Deux visages sont peints sur cette toile, mais qui sont
totalement différents. Celui que l’on aperçoit immédiatement, parce qu’il est
au premier plan et que sa couleur claire le fait ressortir sur le fond
anthracite, est un visage typique de la statuaire grecque antique. Il s’agit
sans doute d’Orphée. Au-dessus, à l’arrière-plan
du tableau, se distingue un second visage qui semble être une ombre
portée, et dont on voit qu’elle ne correspond pas au premier visage. Les traits
sont plus marqués, le personnage a plus de cheveux, le nez est différent. Il
s’agit cette fois du portrait de profil de Guillaume Apollinaire. Sur cette
ombre, une cible (d’où le
titre initial) vient marquer la tempe du poète. Il s’agit de
l’endroit exact où Apollinaire sera blessé par un éclat d’obus en 1916 à la guerre,
d’où le titre rectifié. Les surréalistes ont lu dans cette toile la preuve de
la véracité de leurs thèses sur la force du hasard et de l’inconscient.
2. Quelles références à
l’Antiquité gréco-romaine pouvez-vous relever dans ce tableau ? Comment les
interprétez-vous ?
2. Outre la statue grecque, on peut relever comme références à
l’Antiquité l’élément architectural sur la droite du tableau, que sa couleur
bistre assimile à de la pierre gravée, et les deux symboles qui y figurent.
Tous deux renvoient à Orphée : certains mythes disent que son chant était si envoûtant
qu’il pouvait faire sortir les poissons de l’eau, et la conque rappelle la
forme de sa lyre. Cependant, ils pourraient également avoir d’autres sens
symboliques: le poisson était le signe de ralliement des chrétiens dans les
catacombes romaines (le nom grec du poisson, ichtys, est composé de
l’initiale de tous les mots qui en grec signifient « Seigneur Jésus fils de
Dieu notre Sauveur » = Christ) ; la coquille Saint-Jacques est, dans l’Antiquité,
symbole de renaissance, puis plus tard de fécondité lorsqu’elle est associée à Vénus, ou encore de
purification.
3. Pourquoi le peintre
a-t-il mis des lunettes noires à Apollinaire-Orphée ?
3. Sans doute est-ce le détail le plus fort, le plus dérangeant de
cette toile. Les yeux de la statue sont absents ; à la place, on voit deux
trous noirs, d’autant plus marquants qu’ils sont du noir le plus profond de
toute la toile. Là encore, on peut revenir à l’Antiquité pour interpréter ce
symbole, en repensant à Tirésias ou à OEdipe, deux personnages aveugles ou
aveuglés. Celui qui ne voit pas le monde réel, le monde sensible, est celui qui
à l’inverse voit ce que les autres ne peuvent voir. Ainsi de Tirésias, le plus
grand voyant de l’Antiquité, qui a accès aux vérités les plus cachées. Pour De
Chirico, Apollinaire est un poète-voyant, un précurseur, mais également celui
qui sait voir la réalité de l’art des peintres qu’il côtoie.
4. Beaucoup des oeuvres de
De Chirico portent le titre d’Énigme. En quoi cette toile
aurait-elle pu également s’intituler ainsi ? Quelle atmosphère s’en dégage ?
4. Cette toile est véritablement une énigme de De Chirico.
Énigme par le cumul de tous ces symboles aux multiples
interprétations ,énigme par son
incroyable caractère prémonitoire, mais également par l’atmosphère qui s’en
dégage. L’ensemble est extrêmement sombre, l’ombre chinoise apporte une dose
supplémentaire de mystère ou de suspens, comme si quelqu’un venait se pencher
sur la toile même, et la cible, évoquant forcément un tir, fait planer la mort
sur ce personnage qui ne peut la voir. Cette cible est située exactement au
même niveau que l’oeil du poisson, dans un jeu qui rapproche les yeux de la
statue de ces deux autres « yeux ». Alors que l’ombre d’Apollinaire regarde à
gauche, ou vers le bas, la statue, elle, semble fixer le spectateur, d’autant
plus paradoxalement que ses yeux sont cachés. Que peut bien vouloir
nous dire ce visage immobile, indéchiffrable et sans yeux ?
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