mardi 26 mai 2020

Parcous associé la comédie du valet: extrait des Fourberies de Scapin de Molière et des Bonnes de Genet


 Extrait de la scène 2 de l’Acte III des Fourberies de Scapin de Molière
Géronte, Scapin.

(…) Géronte
Que ferai-je, mon pauvre Scapin ?
Scapin
Je ne sais pas, Monsieur, et voici une étrange affaire. Je tremble pour vous depuis les pieds jusqu’à la tête, et… Attendez.
Il se retourne, et fait semblant d’aller voir au bout du théâtre s’il n’y a personne.
Géronte, en tremblant.
Eh ?
Scapin, en revenant.
Non, non, non, ce n’est rien.
Géronte
Ne saurais-tu trouver quelque moyen pour me tirer de peine ?
Scapin
J’en imagine bien un ; mais je courrais risque moi, de me faire assommer.
Géronte
Eh ! Scapin, montre-toi serviteur zélé : ne m’abandonne pas, je te prie.
Scapin
Je le veux bien. J’ai une tendresse pour vous qui ne saurait souffrir que je vous laisse sans secours.
Géronte
Tu en seras récompensé, je t’assure ; et je te promets cet habit-ci, quand je l’aurai un peu usé.
Scapin
Attendez. Voici une affaire que je me suis trouvée fort à propos pour vous sauver. Il faut que vous vous mettiez dans ce sac et que…
Géronte
Ah !
Scapin
Non, non, non, non, ce n’est personne. Il faut, dis-je, que vous vous mettiez là dedans, et que vous gardiez de remuer en aucune façon. Je vous chargerai sur mon dos, com me un paquet de quelque chose, et je vous porterai ainsi au travers de vos ennemis, jusque dans votre maison, où quand nous serons une fois, nous pourrons nous barricader, et envoyer quérir main-forte contre la violence.
Géronte
L’invention est bonne.
Scapin
La meilleure du monde. Vous allez voir. À part. Tu me payeras l’imposture.
Géronte
Eh ?
Scapin
Je dis que vos ennemis seront bien attrapés. Mettez-vous bien jusqu’au fond, et surtout prenez garde de ne vous point montrer, et de ne branler pas, quelque chose qui puisse arriver.
Géronte
Laisse-moi faire. Je saurai me tenir…
Scapin
Cachez-vous. Voici un spadassin qui vous cherche. En contrefaisant sa voix. « Quoi ? Jé n’aurai pas l’abantage dé tuer cé Geronte, et quelqu’un par charité né m’enseignera pas où il est ? » À Géronte avec sa voix ordinaire. Ne branlez pas. Reprenant son ton contrefait. « Cadédis, jé lé trouberai, sé cachât-il au centre dé la terre. » À Géronte avec son ton naturel. Ne vous montrez pas. Tout le langage gascon est supposé de celui qu’il contrefait, et le reste de lui. « Oh, l’homme au sac ! » Monsieur. « Jé té vaille un louis, et m’enseigne où put être Géronte. » Vous cherchez le seigneur Géronte ? « Oui, mordi ! Jé lé cherche. » Et pour quelle affaire, Monsieur ? « Pour quelle affaire ? » Oui. « Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups de vaton. » Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui, et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui, cé fat dé Geronte, cé maraut, cé velître ? » Le seigneur Géronte, Monsieur, n’est ni fat, ni maraud, ni bel ître, et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. « Comment, tu mé traites, à moi, avec cette hautur ? » Je défends, comme je dois, un homme d’honneur qu’on offense. « Est-ce que tu es des amis dé cé Geronte ? » Oui, Monsieur, j’en suis. « Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. » Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac. « Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur ! Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! « Va, porte-lui cela de ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! En se plaignant et remuant le dos, comme s’il avait reçu les coups de bâton.
Géronte
Ah ! Scapin, je n’en puis plus ! 


Extrait des Bonnes De Jean Genet, p51-53 dans l'édition folio 

(...) Solange -Vous êtes belle!

Claire -Commence les insultes
.
Solange -Vous êtes belle.

Claire - Passons.passons le prélude. Aux insultes.

Solange- Vous m'éblouissez. je ne pourrai jamais.

Claire- J'ai dit des insultes. vous n'espérez pas m'avoir fait revêtir cette robe pour m'entendre chanter ma beauté. couvrez-moi de haine! D'insultes! De crachats!

Solange- Aide-moi.

Claire - Je hais les domestiques. j'en hais l'espèce odieuse et vile. Les domestiques n’appartiennent pas à l'humanité. ils coulent. Ils sont une exhalaison qui traine dans nos chambres, dans nos corridors, qui nous pénètre, nous entre par la bouche, qui nous corrompt. Moi, je vous vomis. ( Mouvement de Solange pour aller à la fenêtre.) Reste ici.

Solange- Je monte, je monte...

Claire, parlant toujours des domestiques - Je sais qu'il en faut comme il faut des fossoyeurs, des vifangeurs, des policiers. N'empêche que tout ce beau monde est fétide.
Solange- Continuez, continuez.

Claire- Vos gueules d'épouvante et de remords, vos coudes plissés, vos corages démodés, vos corps pour porter nos défroques. vous êtes nos miroirs déformants, notre soupape, notre honte, notre lie.
Solange- Continuez, continuez.

Claire - Je suis  au bord, presse-toi, je t'en prie. Vous êtes... vous êtes... Mon Dieu, je suis vide, je ne trouve plus. je suis à bout d'insultes. claire, vous m'épuisez!

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